Conclusion: institutions
Catherine Santschi
Conclusion
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De la liberté de l'Eglise à la Déclaration des droits de l'homme
Pourra-t-on jamais décrire objectivement les institutions d'une République? Les historiens, toujours mandatés par le pouvoir, exposent l'évolution des droits comme si l'histoire devait obligatoirement converger vers l'état social et politique qui les fait vivre. Ainsi toute l'historiographie de la première moitié du XXe siècle, sur laquelle nous vivons, décrit le passé de Genève comme une suite de soubresauts qui devaient forcément conduire à un état idéal: la démocratie semi-représentative mise en place par la Constitution de 1847. Peut-être même la présente Encyclopédie n'échappe-t-elle pas à ce travers.
Et pourtant, le sens des mots n'est plus le même: en combattant contre le comte de Genève pour la liberté de son Eglise, l'évêque Arducius de Faucigny avait en vue un ordre fondé par Dieu où les puissances temporelles étaient au service de l'Eglise, qui balise le chemin du Ciel pour tous les élus. Les citoyens qui luttèrent pour obtenir l'autonomie de la communauté obtinrent avant tout, par les franchises octroyées en 1387, la fin de l'arbitraire: leurs droits et leurs devoirs mis par écrit, nul ne pouvait les modifier sans leur consentement. Sans doute les Franchises d'Adhémar Fabri contiennent-elles des dispositions relatives aux droits individuels des citoyens. Mais surtout, il s'agit là d'établir l'autonomie d'une communauté, un ordre social devant lequel les aspirations individuelles doivent s'effacer.
Ce phénomène est encore plus sensible au moment où la République réformée, menacée de tous les côtés, se donne des institutions de type aristocratique: la liberté individuelle, et surtout l'égalité, passent après l'indépendance de la Cité.
La Confédération, dont Genève suit les destinées depuis 1815, a pour tâche d'assurer l'indépendance du pays à l'égard de l'extérieur et la prospérité de ses habitants. La réalisation de ces objectifs, à travers les remous du XIXe siècle et les deux guerres mondiales, est-elle due aux vertus de l'administration fédérale ou à celles de la conjoncture politique et économique? Les libertés chèrement conquises par les hommes de la Réforme et de la Révolution n'ont-elles servi qu'à renforcer l'égoïsme individuel et à rendre ces citoyens prospères incapables d'imagination et de générosité, incapables surtout d'une action communautaire? Craignons alors que la menace des violences ne soit remplacée par une autre, plus insidieuse: l'esclavage du confort et de la sécurité, propre aux sociétés décadentes.
C. S.
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