L'exploitation du milieu naturel
De la subsistance aux loisirs
Eric Matthey / Catherine Santschi / Walter Zurbuchen
La chasse à Genève des origines à 1944
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La préhistoire: subsistance ou légitime défense?
Les premiers hommes qui occupèrent le sol de la région genevoise étaient des chasseurs-cueilleurs. C'est dire que, sans cultiver la terre, ils savaient tout de même quelles plantes, quels fruits ils pouvaient consommer. Quant au gibier, ils le chassaient non seulement pour leur subsistance, dont il formait la base, mais encore en utilisaient les dépouilles pour se vêtir et se parer, tandis que les os et les bois servaient à confectionner des outils et des armes. A vrai dire le plaisir de la chasse n'est pas resté unilatéral. Bien souvent, il a dû s'agir, pour les hommes de la préhistoire, de légitime défense. En effet, on a retrouvé les traces de très grands animaux tels que mammouths, bisons, aurochs, et de carnassiers tels qu'ours des cavernes, lions, panthères des cavernes (pour la période du moustérien), et des squelettes d'ours bruns, de lynx, de gloutons, de renards (pour l'époque magdalénienne). Le gibier destiné à l'alimentation consiste surtout en cerfs, bouquetins, lièvres, rennes, perdrix; plus rares étaient le boeuf musqué et le rhinocéros à toison laineuse. A l'époque mésolithique (huitième au quatrième millénaire avant J.-C.) la faune sauvage est semblable à celle que nous trouvons aujourd'hui: sanglier, cerf, marmotte, chamois, bouquetin. A partir du quatrième millénaire jusqu'à l'époque romaine, le rôle de la chasse dans l'alimentation va diminuant, d'abord au profit de l'élevage, puis surtout de la culture des céréales: les défrichements font reculer la forêt; privé de son biotope, le gibier se raréfie aussi.
La réglementation de la chasse à travers les âges
Au temps des Helvètes, puis des Romains, la chasse semble être demeurée libre, et c'est la loi burgonde de 500 qui contient les premières restrictions connues. On y trouve notamment des dispositions précises sur la responsabilité qu'encourent ceux qui posent des pièges à loups. Sous le régime féodal, le gibier appartenait aux propriétaires des terres, à ceux qui avaient sur elles des droits éminents. Ils s'en réservaient la chasse. Les non-propriétaires, les simples tenanciers, n'avaient pas le droit de chasser, du moins sans autorisation expresse. Par exemple, pour un [p. 129: image / p. 130] vassal, abattre un cerf appartenant à son seigneur était considéré comme un délit grave.
Ces interdictions ne concernaient, bien entendu, que le gibier. Les animaux nuisibles, avant tout le loup, étaient si peu protégés que, loin d'en interdire la chasse, on la rendit même parfois obligatoire, au point de contraindre les villageois à se rassembler pour des battues générales.
Peu à peu la chasse devient une distraction réservée à la noblesse. Toutefois le droit canon interdit aux ecclésiastiques, même nobles, de s'y livrer. En 1227, on mène une enquête sur les moeurs de l'évêque Aymon de Grandson. On lui reproche en particulier de se complaire davantage à la chasse qu'à la prédication. En outre, on cite parfois des prêtres qui tiennent des armes, des chiens de chasse et des faucons, ce qui peut leur valoir une suspension de deux mois de leur office.
En 1536, la communauté des citoyens, devenue Seigneurie, succéda à son ancien prince dans ses droits de souveraineté, dont celui de la chasse.
Ce droit de chasse, la Seigneurie le possédait sans restriction sur les terres qui provenaient de l'évêque (ville, mandements de Jussy et Peney). Elle devait le partager, d'abord avec Berne, puis avec le duc de Savoie, dans les terres et villages qui avaient été possédés auparavant par le prieuré de Saint-Victor ou le chapitre de Saint-Pierre.
Les règlements, toujours plus précis et abondants, visent d'abord à préserver les cultures des dégâts, et à éviter la destruction du gibier: la chasse n'était autorisée qu'à l'automne et réservée expressément, dès 1653, aux citoyens et bourgeois. On interdit aux bouchers de tenir des chiens pour éviter que la chasse ne devînt un métier.
Un des membres du Petit Conseil, qui porta dès le XVIIe siècle le titre de Grand Veneur, fut chargé de tous les soins de la chasse, protection du gibier et repeuplement, destruction des nuisibles, dates d'ouverture et de fermeture, octroi des autorisations et surveillance. Le titulaire ajoutait généralement à cette charge celle de Grand Forestier.
Le Conseil se réservait les grandes pièces de gibier noble, dont il répartissait la chair entre ses membres, mais laissait parfois les bois et le pied à l'heureux chasseur.
La configuration très particulière du territoire genevois et le fait qu'il était enclavé dans les terres de Savoie sur la rive gauche, dans celles de France sur la rive droite, voire dans celles de Berne, devait entraîner fatalement bien des difficultés: un des sujets de plaintes les plus fréquents et les plus légitimes de la part de ces voisins était la propension qu'avaient les Genevois à se livrer à la chasse sans permission [p. 131] dans les terres étrangères. Mais le moyen de ne pas poursuivre un beau lièvre qui ne respecte pas, lui d'abord, les délimitations de souveraineté? Le moyen aussi de ne pas traverser simplement, en portant un fusil, le territoire étranger pour rejoindre un des mandements? Avec cela, il était devenu difficile de contrôler, aux portes de la ville, le passage des chasseurs avec fusil et chiens, car beaucoup disposaient en banlieue ou dans les mandements d'une résidence secondaire où ils pouvaient laisser leur matériel de chasse. Et pour organiser des battues aux loups ou aux ours, il fallait bien s'entendre avec les voisins.
Loups, ours et autres bêtes sauvages
Pour encourager la destruction des "nuisibles", le Conseil décernait une prime à tout particulier qui en détruisait un, quelle que fût la saison, quel que fût même le territoire où le fauve avait été abattu; car, bien souvent, c'étaient des paysans du Vuache ou du Salève qui venaient revendiquer une telle récompense. Il faut dire que les campagnes vécurent longtemps dans une crainte justifiée des loups: fréquemment, ces carnassiers enlevaient des pièces de petit bétail; parfois même, ils attaquaient des villageois isolés. Vers 1750, dans la région de Chancy, des enfants et même des femmes furent dévorés par des loups. Il fallut faire accompagner de gens armés les pasteurs qui allaient exercer leur ministère. Parfois, beaucoup plus rarement, c'étaient des ours qui apparaissaient dans la région et qui s'en prenaient au bétail. On connaît même un cas où un ours de taille gigantesque a été intercepté alors qu'il traversait le lac à la nage, de Sécheron à Jargonnant. C'était en 1710, à la fin de juin. Il fut tué malgré une défense acharnée.
Mais on détruisait aussi, comme nuisibles, d'autres carnassiers: renards, blaireaux, loutres, etc. Quant au castor, il ne semble pas que sa présence ait été signalée sur les cours d'eau genevois depuis la fin du moyen âge.
L'époque moderne
L'annexion de 1798 rendit naturellement caduque toute la législation antérieure, pour la remplacer par les lois françaises. Devenu empereur, Napoléon Ier rétablit des charges de la monarchie, dont celle de Grand Veneur, qu'il confia au maréchal Alexandre Berthier, bientôt prince de Neuchâtel. Le décret du 8 fructidor an XII (26 août 1804) institua en [p. 132] outre, sous la surveillance du Grand Veneur, des lieutenants de louveterie. Le département du Léman en eut deux, choisis à Genève même surtout pour leur situation de fortune.
Il pouvait être accordé deux espèces de permission de chasse: à tir et à courre. Ces permis devaient être signés (dans un Empire qui s'étendait de Hambourg à Rome!) par le Grand Veneur lui-même.
Vers la même époque, les parties les plus sauvages du département furent de nouveau envahies de loups et même d'ours, particulièrement nombreux dans le Jura, ce qu'on interpréta comme un contrecoup des guerres napoléoniennes dont le théâtre était souvent en Europe centrale. Il fallut monter contre ces fauves des opérations concertées entre le département du Jura, celui du Léman et le canton de Vaud.
La république de Genève, restaurée, agrandie et devenue canton suisse, se préoccupa aussitôt de légiférer sur le fait de la chasse. La loi de 1817 posait en principe que tout propriétaire pouvait chasser sans permis sur son fonds propre attenant à son domicile, pendant les périodes d'ouverture. Pour chasser sur le fonds d'autrui, il fallait un permis et le consentement des propriétaires. En revanche, la chasse en bateau sur le lac était permise toute l'année. C'est ainsi que le poète Petit-Senn faillit un jour trucider Byron, qui était venu subitement à passer entre le tireur et le palmipède visé.
Les lois successives sur la chasse (1830., 1837, 1841) apportèrent de nouvelles restrictions, en particulier, en 1841, l'interdiction de détruire les nids d'oiseaux.
La chasse et la Constitution fédérale de 1874
Ce souci "écologique" préludait à des mesures énergiques, prises sur le plan fédéral, pour sauvegarder la vie animale sauvage. L'article 25 de la Constitution fédérale de 1874, ainsi que les loi et règlement (1875, 1876) qui en ont assuré l'application, étaient destinés à protéger diverses espèces d'oiseaux et de mammifères. Il était interdit d'utiliser des armes à répétition. Les cantons pouvaient ajouter d'autres restrictions, et celui de Genève ne s'en priva pas. Il interdit notamment d'utiliser des gluaux (petites branches enduites de glu) et de tirer les cygnes et autres oiseaux aquatiques appartenant à la ville de Genève ou à des particuliers. En revanche, la chasse aux palmipèdes sur le lac restait permise toute l'année. [p. 133]
Néanmoins, la notion de "nuisibles" continuait de prévaloir et amena l'extinction de diverses espèces, dont la loutre, alors qu'avant la transformation du quartier de l'Île, elle subsistait encore en pleine ville à l'abri des constructions sur pilotis qui bordaient le Rhône.
Après la conclusion, en 1902, d'une convention internationale pour la protection des oiseaux utiles à l'agriculture, de nouvelles lois fédérales furent édictées (1904, 1925). D'une façon générale, les dispositions, tant fédérales que cantonales, visent à protéger un nombre sans cesse croissant d'espèces menacées par l'extension des cultures, la suppression des haies et les progrès de la motorisation.
De 1847 à 1944, on délivra à Genève, en moyenne, 580 permis par année, mais avec des variations considérables. Mais dès le moment où l'on se mit à délivrer des primes pour la destruction des "nuisibles", on vit apparaître, parallèlement, des autorisations d'autres sortes: de 88 en 1896, leur nombre atteignit 2260 en 1905. Dans le rapport sur sa gestion pendant l'année 1916, le Conseil d'Etat dut rappeler que "la législation sur la destruction des animaux nuisibles n'est pas faite pour procurer aux chasseurs des journées de chasse en temps prohibé, mais bien pour détruire les bêtes qui nuisent au gibier ou à l'agriculture".
Une destruction complète menaçait tout de même la faune sauvage. Ne fut-il pas proposé en 1931 d'effrayer systématiquement le gibier le samedi, veille de l'ouverture, afin "d'empêcher son extermination qui, en général, est complète à la fin de la deuxième journée de chasse"? [p, 134]
La notion de réserve fit son chemin peu à peu. Le marais de Mategnin, drainé, était devenu réserve ornithologique déjà en 1930, tandis que la zone de Peney, où toute chasse fut interdite, se révéla aussitôt un refuge très utile. Jusqu'en 1932, la chasse sur le lac n'était interdite que dans la rade. Cette interdiction fut étendue jusqu'à une ligne reliant Sécheron au débarcadère de Cologny. Durant la dernière guerre, une partie notable de la région frontière genevoise fut mise à ban, et l'on constata que le gibier s'y multipliait aussitôt.
W. Z.
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De la fin de la guerre à la fin de la chasse
Ils étaient 942, les chasseurs genevois qui prirent leur permis pour la saison 1945-1946. La perspective de pouvoir enfin chasser librement, à proximité de la frontière, avait déplacé deux cents nouveaux adeptes. Quatre ans après, ils étaient 1007; ils n'imaginaient pas alors que leur existence pourrait être contestée. Genève possédait à cette époque, en Suisse, la plus forte densité de chasseurs par rapport à la surface disponible. La reprise des importations de gibier vivant (lièvres, faisans et perdrix) en provenance des pays de l'Est contribua à maintenir un nombre de chasseurs excessif pour un territoire aussi exigu, avec tous les dommages que cela pouvait entraîner pour les cultures.
Certaines communes rurales, comme Meinier et Choulex, demandèrent que l'on interdît la chasse sur leur territoire. Le Canton prit des mesures restrictives (réduction du nombre de jours de chasse, interdiction du tir de la poule faisane, etc.) qui furent très mal accueillies par les chasseurs. Un conflit surgit avec leur autorité de tutelle, le département de l'Intérieur et de l'agriculture; il ne prit fin que par la création en 1953 d'une commission cantonale de la chasse. Celle-ci, composée en majorité de membres des sociétés de chasse et, pour le solde, de représentants du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, possédait des compétences étendues, dont la plus importante était la gestion du fonds de repeuplement.
Pour mieux adapter la chasse à l'urbanisation du territoire cantonal, le Conseil d'Etat en règlementa et en restreignit l'exercice. Il le fit de façon systématique à partir des années soixante, organisant des cours d'introduction pour nouveaux chasseurs (1961), puis les soumettant à un examen (1966), obligeant les chasseurs à remplir une statistique du gibier tiré (1961), retardant l'ouverture de la chasse au [p. 135] dernier dimanche de septembre (1962), créant ou étendant des zones interdites à la chasse (1968 et 1972), enfin supprimant la chasse le dimanche (1970), puis le jeudi (1972).
Une initiative constitutionnelle
En 1972, une initiative visant à interdire la chasse sur le territoire du Canton fut lancée. Elle recueillit 24.185 signatures. Ses principaux arguments étaient: la protection de la nature et des animaux, ainsi que le danger lié à l'exercice de ce sport sur un territoire fortement urbanisé. Les opposants défendaient le droit de chasse pour des motifs historiques, politiques, sociaux et écologiques. Le Conseil d'Etat prépara un contre-projet qui faisait de la chasse un élément de la gestion de la faune. Le peuple trancha: l'initiative fut acceptée le 19 mai 1974 par 28.803 citoyens contre 10.742 et le contre-projet fut repoussé dans une proportion presque identique. Désormais, la chasse était interdite sur territoire genevois.
L'après-chasse: dégâts aux cultures
Dès lors, la législation cantonale étant caduque, c'est la loi fédérale de 1925 sur la chasse et la protection des oiseaux qui était seule applicable jusqu'à l'adoption, le 14 mars 1975, de la loi cantonale sur la faune. L'article constitutionnel prévoit une commission pour donner au Conseil d'Etat son préavis sur une levée éventuelle de l'interdiction de chasse aux fins d'assurer une sélection et un meilleur état sanitaire de la faune, ou pour détruire des animaux nuisibles; en outre, la loi a créé une autre commission, formée des représentants des principaux secteurs concernés directement par les questions de faune: recherche et enseignement, protection de la nature et des animaux, agriculture et police vétérinaire, mais point de chasseurs: leur maintien eût été difficilement compréhensible puisque la chasse n'existait plus, ou du moins l'ancienne chasse, celle des amateurs sportifs.
Un des premiers problèmes que ces commissions eurent à résoudre fut celui des dégâts aux cultures. Etourneaux dans le vignoble et dans les vergers de cerisiers; sangliers dans les cultures de maïs et les prairies; lièvres et lapins de garenne dans les jeunes vignes, les cultures maraîchères et horticoles, occasionnaient des dommages croissants qui, malgré les indemnités allouées, provoquaient un mécontentement [p. 136] sérieux chez les agriculteurs. On essaya d'abord des moyens de dissuasion: treillis, répulsifs, pétards, clignotants, etc.; très tôt cependant, on dut reconnaître que le tir de bêtes en surnombre était, dans de nombreux cas, la seule solution efficace.
C'est ainsi que les gardes du service des forêts qui, jusqu'alors, tiraient occasionnellement certains animaux nuisibles, corneilles, pies, geais surtout, durent se faire chasseurs d'espèces plus nobles, tels les sangliers et les lièvres. A défaut de ces interventions, le montant des indemnités à payer eût largement dépassé les disponibilités du fonds de la faune. Pour des motifs de sécurité et d'efficacité, ces tirs ont lieu généralement la nuit, le gibier se laissant plus facilement surprendre dans l'obscurité. La méthode n'est pas très glorieuse et assez éloignée de l'éthique du véritable chasseur. On comprend sans peine que celui-ci réprouve de telles pratiques.
Sur la base d'une évaluation faite en 1978, on peut admettre que ces interventions coûtent en moyenne 85.000 francs par an en salaires, heures supplémentaires, frais de déplacement, achat d'armes et de munitions, fourniture de moyens préventifs, auxquels il faut ajouter 35.000 francs d'indemnités aux cultivateurs lésés. En tenant compte des 30.000 francs de recettes annuelles que les permis de chasse procuraient à l'Etat, on peut donc estimer à 150.000 francs le coût annuel de la suppression de la chasse à Genève. A ce prix, le problème des dégâts aux cultures, qui se posait d'ailleurs déjà du temps de la chasse, semble maîtrisé.
La commission et le service de la faune se préoccupent d'autres problèmes, en particulier de la réintroduction de prédateurs — chat sauvage, par exemple — ou du développement de ceux qui ont subsisté — fouine, putois, rapaces diurnes et nocturnes — pour assurer une certaine régulation naturelle.
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La faune du canton après l'interdiction de la chasse
L'interdiction de la chasse a-t-elle exercé une influence sur les effectifs d'oiseaux et de mammifères sauvages?
En période hivernale, les oiseaux aquatiques (sauvagine) séjournent désormais par milliers sans être inquiétés sur le Petit Lac et sur le Rhône, de même que dans les réserves de chasse créées dans les eaux françaises. Les faisans, que l'on devait importer en grandes quantités chaque année, et les perdrix se multiplient sans obstacle. Les corneilles, les pies et les geais deviennent localement envahissants.
En revanche, la suppression de la chasse n'a eu guère d'effet sur les populations de cailles et de ramiers, qui survolaient généralement le Canton avant l'ouverture, ni sur les grives, les râles des genêts, les vanneaux et les rapaces, qui étaient protégés. Les bécasses ne livraient qu'un tribut modeste à la chasse. Quant aux étourneaux, les viticulteuis ont toujours obtenu et obtiennent encore régulièrement l'autorisation de les tirer à l'époque des vendanges.
Les renards ont été recensés en 1977. Ils étaient 100 adultes au moins et 230 renardeaux. La même année, la moitié ont péri, par la maladie — rage notamment — l'accident ou le tir des gardes. Mais la population est nombreuse et peut supporter des ponctions importantes sans pour autant disparaître entièrement. Les sangliers, les lièvres et, dans les zones de villas, les lapins de garenne se sont multipliés, causant des dégâts aux cultures. Quant aux chevreuils et aux cerfs, ils n'ont guère bénéficié de l'interdiction décrétée en 1974, pas plus que les mustélidés — blaireaux, fouines, martres, putois, belettes, hermines — dont les effectifs paraissent stables. Les loutres semblent avoir complètement disparu du territoire depuis les années cinquante, tandis que les castors, réintroduits pour la première fois en Suisse sur la Versoix en 1956, et d'emblée protégés par la législation fédérale, sont évalués à une soixantaine, répartis sur presque tout le cours de la rivière.
La suppression de la chasse traditionnelle n'a donc pas entraîné de bouleversements profonds susceptibles de compromettre l'équilibre naturel ou économique du Canton.
En revanche, on ne saurait supprimer toute action de chasse. Des animaux dangereux ou en surnombre doivent pouvoir être éliminés pour assurer la sécurité et la protection des cultures par des interventions, confiées à des agents officiels, professionnellement qualifiés et disposant des moyens appropriés.
E. M.
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La pêche autrefois
Le droit de pêche
Si loin que nous remontions dans l'histoire de nos sociétés policées et réglementées, le droit de pêche appartenait à la puissance publique, c'est-à-dire au roi, à l'empereur ou à son représentant, qui seul pouvait mandater les pêcheurs. Seule la pêche à la ligne était libre et chacun pouvait s'y livrer. Avec le fractionnement de la puissance publique entre les mains de divers seigneurs, ce sont les seigneurs de moindre importance qui se trouvèrent investis de ce droit éminent. Ainsi, dans la région de Genève, les principaux seigneurs qui se disputent le pouvoir, l'évêque de Genève, le comte de Genève, le comte de Savoie, le prieur de Saint-Victor se contestent mutuellement ce droit sur différents secteurs du lac, du Rhône, de l'Arve. C'est l'évêque qui finira par l'emporter et qui, après de nombreux procès avec ses voisins, se retrouvera propriétaire du droit de pêche sur la plupart des eaux actuellement genevoises. Ce droit, donné en fief à Besançon Hugues par l'évêque Pierre de La Baume, fut racheté en 1538 par la communauté de Genève devenue entretemps Seigneurie, après avoir passé entre plusieurs mains pour servir de monnaie d'échange et même de garantie bancaire. Un instant disputé par les Bernois, le droit de pêche dans l'Arve demeura aux Genevois, à condition qu'ils laissassent libre le cours de la rivière, de manière que le poisson puisse monter et descendre librement le cours de l'eau.
L'admodiation de la pêche
Sans doute le roi de Bourgogne et l'évêque ne pêchaient-ils pas eux-mêmes. L'évêque, plus tard les magistrats de la ville, confièrent à des pêcheurs professionnels la charge et le privilège de prendre le poisson en quantité, dans des filets ou des nasses, et celle d'établir des réservoirs le long du Rhône et dans la rade pour entreposer des truites vivantes. Ce droit était "admodié" ou donné à ferme pour quelques années au plus offrant, à la suite d'une enchère où les pêcheurs intéressés offraient une redevance en poissons ou en espèces. Ainsi, en 1479, l'administrateur de l'évêché de Genève avait admodié à un pêcheur d'origine germanique la piscaria pour la somme annuelle de 166 florins petit poids et six belles truites salées. Les fermiers de la pêche avaient le monopole de la vente du poisson ainsi pêché et contrôlaient en outre le poisson importé, qui devait être distingué de celui de Genève par une marque. [p. 139]
Le profit de l'admodiation n'était pas toujours, pour les pêcheurs, aussi élevé qu'ils auraient pu l'espérer. La saison de la pêche était courte, surtout à partir de l'époque où la ville introduisit des mesures pour freiner le dépeuplement des rivières et du lac: deux mois et demi, soit octobre, novembre et une partie de décembre. Si, pendant cette brève période, des orages venaient bouleverser les installations, gâter les clôtures du Rhône, ouvrir les nasses, emporter les réservoir pleins de truites, de brochets, de carpes et de tanches, troubler l'eau pendant des semaines, la ferme de la pêche ne rapportait rien, et les fermiers devaient demander au Gouvernement de réduire le prix qu'ils avaient eux-mêmes fixé.
Le droit de pêche au XIXe siècle
Lors de l'Annexion en 1798, le droit éminent sur la pêche revint au nouveau souverain, c'est-à-dire au Gouvernement français qui l'exerçait par l'intermédiaire du préfet. Cependant, la ville de Genève conservait le droit de pêche dans le Rhône depuis l'actuelle île Rousseau jusqu'aux chaînes qui fermaient les fortifications entre le bastion de Hollande et celui de Saint-Jean. Cela non sans contestation de la part de l'autorité militaire, qui était responsable de la pêche dans les fossés.
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A la Restauration, ce droit demeura à la ville de Genève jusqu'en 1862, tandis que le canton nouvellement créé recueillait les droits éminents sur la pêche du lac, du Rhône, de l'Arve et des fossés des fortifications. Quant au droit de pêche sur les autres eaux (torrents et ruisseaux du Canton), il était reconnu, par la loi du 27 octobre 1817, aux propriétaires riverains, sous réserve des règlements du Conseil d'Etat.
Actuellement, et depuis 1889, la loi fédérale sur la pêche dans les eaux suisses reconnaît aux cantons le droit de pêche et sa concession, mais dans les limites de la législation fédérale. C'est dans ce cadre, et dans le cadre des accords internationaux sur la pêche dans les eaux du Léman, que les lois et règlements genevois sur la pêche ont été promulgués et mis en vigueur.
Que pêche-t-on?
En 1581, le syndic Jean Du Villard dessina une très belle carte du Léman à laquelle il adjoignit une liste descriptive de dix-neuf espèces de poissons, indiquant la saison où ils étaient les meilleurs et le poids maximum des différentes sortes. On y trouve la perche, la truite, à divers degrés de leur développement, la féra (appelée "bezole"), le brochet, pesant jusqu'à quarante livres, de même d'ailleurs que la grosse truite, l'omble chevalier et l'ombre de rivière, ainsi que différentes autres espèces moins courantes, qui existent encore actuellement.
Dans la seconde moitié du XVIIe siècle apparaît, dans les descriptions du Léman, un nouveau poisson que l'on dit être venu du lac de Neuchâtel par le canal d'Entreroches: la lotte. Mais cette nouvelle acquisition, peu pêchée, n'intéresse guère que les spécialistes. L'amaron (vairon), la boretta (ablette), le vengeron (gardon) sont moins appréciés, soit à cause de leur goût amer, soit pour d'autres raisons telles que l'abondance d'arêtes.
Les perchettes de la longueur du doigt, qu'on appelait "jolerie", qui se mangent au mois de juin, et plus encore celles qui sortent de l'oeuf "le plus petit poisson qui se prenne, comme grains d'avoine", appelé le "millecanton", avaient tous les suffrages des anciens consommateurs genevois. Le millecanton, écrit le syndic Du Villard, "est excellent, friand aux mois de Juillet et Aoust". Aussi en faisait-on une pêche effrénée.
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Mesures protectrices du poisson
Dès le XVIe siècle, on se rendit compte que le lac se dépeuplerait rapidement si l'on ne prenait des mesures pour limiter la pêche. Cette prise de conscience "écologique" est relativement tardive si l'on compare Genève aux Etats voisins, tels Berne et la France, où des règlements existent depuis le début du XIVe siècle.
On interdit d'abord certaines techniques de pêche particulièrement dangereuses: jeter, dans les eaux peu profondes, de l'"endormie", c'est-à-dire de la stramoine, ou de la pâte faite avec de la coque du Levant, qui avaient toutes deux la propriété d'endormir le poisson. Drogués, les poissons remontaient à la surface de l'eau, et il n'y avait plus qu'à les cueillir à la main ou avec une "truble", ou épuisette. Cette pratique est interdite dès 1550, peut-être avant, mais elle fut néanmoins en usage jusqu'à la fin de l'Ancien régime et même jusqu'à l'époque française, si l'on en juge par les plaintes renouvelées des fermiers de la pêche et les défenses réitérées qui en étaient faites.
Le Gouvernement prêtait aussi une grande attention à la pêche des petits poissons: dès 1623, on interdit la pêche du millecanton et de la vive (fretin de poisson blanc) pour une période de trois ans. Cette interdiction est renouvelée à plusieurs reprises, et pour lui assurer un minimum d'efficacité, on requiert la collaboration des Etats riverains du lac, Berne et ses baillis de Nyon, Morges, Lausanne et Vevey, la république du Valais et les autorités savoyardes.
Pour protéger la truite, on interdit, dès 1624, l'usage des "berfous" ou verveux, sorte de filets à mailles fines qui permettaient de prendre, non seulement de petites truites, mais encore des oeufs. On interdit d'abord cette technique à l'époque du frai, de la mi-avril au commencement de juin, puis pendant des périodes de plusieurs années. Et dès la fin du XVIIIe siècle, on interdit généralement de prendre des poissons au-dessous de deux onces (environ 61 grammes), ce qui ralentit sans doute le dépeuplement du lac.
Repeuplement
C'est d'abord à titre privé que l'on fit à Genève des essais de pisciculture: en 1852 et 1853, les docteurs François et Isaac Mayor, père et fils, et le docteur Duchosal élevaient des saumons dans un petit établissement qu'ils avaient construit à Sous-Terre, sur les bords du Rhône. [p. 143]
Vingt ans après, en 1872, le même docteur Isaac Mayor élevait des épinoches dans l'étang de sa propriété d'Hermance. Ces poissons se maintinrent dans l'Hermance et se répandirent dans le lac. Ainsi, ces expériences sont à l'origine d'une modification assez importante de la faune lacustre.
En 1871, sur proposition du docteur Isaac Mayor, le pêcheur François Lugrin fut chargé par l'autolité cantonale d'organiser un atelier de pisciculture et de fournir à l'Etat des alevins de truite. Entre 1871 et 1877, Lugrin versa dans le Rhône un peu plus d'un million et demi d'alevins.
Alfred Vaucher, puis Ernest Covelle, qui lui succédèrent, construisirent d'autres ateliers de pisciculture où l'on éleva surtout des truites, mais aussi des saumons Namaycush, des féras, des barbeaux, des truites arc-en-ciel. Cette dernière espèce, ainsi que des perches-soleil d'Amérique du Nord, étaient aussi élevées à partir de 1894 par le docteur Hugues Oltramare dans la pisciculture de Saint-Victor, près de La Petite Grave.
Actuellement, c'est la commission cantonale de la pêche qui dirige le rempoissonnement des eaux cantonales, travail "tenace et intense" qui seul assure la survie des espèces existantes.
C. S.
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La pêche aujourd'hui
Conditions de la pêche en rivière
Les Genevois adorent pêcher en rivière: chaque année, on délivre environ 3250 permis saisonniers et 1800 permis journaliers. Pour satisfaire tous ces pêcheurs, les services officiels s'efforcent, malgré les difficultés, d'assurer la pureté des eaux et un cheptel de poissons suffisant. Sans le gigantesque travail d'assainissement réalisé depuis les années cinquante-cinq, nos rivières et ruisseaux seraient, à quelques rares exceptions près, devenus d'infects cloaques invivables pour les poissons nobles. Et pourtant, cette épuration, dispensée par dix-neuf stations disséminées sur tout le canton, reste partielle. En effet, selon les débits, toutes les eaux usées ne peuvent pas arriver à leur point de traitement mais sont dérivées directement sur leur exutoire normal par plus de deux cents déversoirs d'orage. L'épuration elle-même n'élimine pour l'instant qu'une partie des matières introduites dans nos eaux: ici ou là subsistent des écoulements non raccordés au réseau d'égouts, des stations à terminer ou à parfaire.
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La plupart de nos rivières prennent leur source en France, dans des régions qui ont été urbanisées plus tardivement que la nôtre et qui ne sont par conséquent pas encore toutes équipées pour la protection des eaux: la pollution qui en résulte parfois irrite les pêcheurs genevois. Enfin, toutes les rivières courent le risque d'un déversement d'hydrocarbures qui, même en faible quantité, détruisent la microfaune aquatique et rendent incomestible le poisson ou le font périr.
Le rempoissonnement
La truite arc-en-ciel, originaire du Nord de l'Amérique, facile à élever artificiellement et peu sensible à la qualité de l'eau, fut introduite dans les rivières surtout sous forme d'alevins et de truitelles, dès la fin du XIXe siècle. En 1904, elle semble définitivement acclimatée. Depuis 1956, elle est immergée principalement sous forme de poissons de mesure (environ 2,4 tonnes par an), dans les rivières et portions de rivière où l'espèce indigène, la truite fario, a de la peine à subsister malgré des immersions régulières. Cette dernière procure de grandes joies au pêcheur sportif parce qu'elle se laisse difficilement capturer. Autrefois on immergeait jusqu'à 300 000 alevins et 70 000 truitelles par année. Aujourd'hui, on préfère les sujets grossis en pisciculture et atteignant déjà la mesure, soit au moins 23 centimètres (environ 3 tonnes par an). Ombrettes, alevins de brochets et brochetons complètent occasionnellement ces mises à l'eau.
Tous ces poissons proviennent, soit de fournisseurs privés, soit d'élevages dirigés par des sociétés de pêche genevoises, soit enfin, depuis 1974, de la pisciculture cantonale de Richelien.
La commission cantonale de la pêche, créée par une loi en 1953, connaît de toutes les questions touchant la pêche et, en particulier, gère le fonds de rempoissonnement. Ce fonds est alimenté par le produit des permis de pêche, soit environ 120 000 francs par an; il sert à des achats de poissons et à la couverture des frais d'élevage. Les responsables de la pêche savent que, sans un effort soutenu et important de rempoissonnement, il ne serait pas possible d'accueillir au bord de nos rivières d'aussi nombreux pêcheurs. D'autres mesures, complémentaires, tendent à réduire la pression des pêcheurs sur le domaine piscicole et à protéger le poisson: jours de trêve, limitation des prises, dimensions minima des captures, périodes de pêche et engins autorisés. [p. 146]
Pour faciliter l'exercice de leur sport, les pêcheurs genevois ont obtenu en 1965 un droit précieux, celui de passer et de pêcher sur les fonds privés bordant les rivières.
Le fleuve et les rivières
Le Rhône comprend trois secteurs distincts:
- le Rhône urbain, du pont du Mont-Blanc au pont Butin, parcours redevenu intéressant pour la pêche depuis que des collecteurs captent les eaux usées qui précédemment s'y déversaient en masse;
- la retenue de Verbois, dont les qualités piscicoles sont fort modestes, seules la boucle de Vernier et l'embouchure du Nant d'Avril présentant quelque intérêt;
- le dernier secteur, du barrage à l'extrémité de Chancy: on y pêche surtout à la sortie du barrage de Verbois, à l'embouchure de l'Allondon, sous Avully et entre le barrage de Chancy-Pougny et la pointe du Canton.
Premier cours d'eau par la quantité de salmonidés qui y sont pêchés, le Rhône est riche aussi en brochets, perches et poissons blancs. Dépôts pétroliers, usines chimiques, décharge cantonale, usines d'incinération des ordures et d'épuration des eaux laissent parfois échapper des produits qui donnent au poisson un goût désagréable. Ce phénomène n'est, à vrai dire, pas entièrement nouveau puisqu'au début du siècle déjà, les pêcheurs se plaignaient fréquemment du mauvais goût des poissons pêchés dans le fleuve.
Les vidanges de la retenue de Verbois, effectuées maintenant à intervalles de trois ans, peuvent provoquer des pertes sensibles de poissons, selon le rythme de l'opération, les débits d'eau et les conditions météorologiques. Ces vidanges suscitèrent un conflit important avec les pêcheurs français, réglé par le versement de dommages-intérêts jusqu'en 1969. Depuis, la station d'épuration d'Aïre a été mise en service. Les matières organiques ont très fortement diminué, ce qui atténue heureusement l'effet négatif des dernières vidanges.
L'Arve connaît des débits fort variables qui ne permettent pas toujours un exercice soutenu de la pêche. L'ombre, qui y était abondant il y a encore une quinzaine d'années, a quasiment disparu, conséquence probable de la dégradation des eaux avant qu'elles n'atteignent le territoire genevois. Et dire qu'en 1941, on y pêchait encore à la nasse!
L'Allondon, qui draine une partie importante du pays de Gex, s'est fortement dégradée depuis les années soixante. Extension du CERN, urbanisation intense de certains secteurs [p. 147], activités de loisirs sur la rivière, font que le poisson indigène ne trouve plus partout les conditions idéales qu'il connaissait auparavant. Toutefois, la rivière reste très poissonneuse et le poisson s'y reproduit volontiers.
La Versoix est une très belle rivière, mais d'une productivité moindre que la précédente. En 1972, on a construit une passe pour les poissons à la hauteur du barrage des Usiniers, ouvrage réclamé par les pêcheurs depuis le début du siècle!
Quant aux autres rivières et ruisseaux, l'Hermance, la Laire, la Seymaz, l'Aire, la Drize, le Roulavaz, le Missezon, le Brassu et quelques autres de moindre importance, ils ne jouent plus qu'un rôle très modeste sur le plan piscicole. Régime d'eau irrégulier, parcours corrigé, pollution chronique expliquent cet état de choses.
La pêche au lac
Avec ses 34 kilomètres carrés, la portion genevoise du Léman offre aux pêcheurs, amateurs ou professionnels, d'intéressantes possibilités. Certaines espèces, comme la perche, ont largement profité de l'eutrophisation (enrichissement en éléments fertilisants). Entre 1920 et 1930, les pêcheurs professionnels genevois en capturaient environ 6 tonnes par an, ce qui représentait le 32 pour cent de leurs prises totales. Pendant la décennie 1965-1975, leur moyenne annuelle était de 132 tonnes, soit le 93 pour cent de toutes leurs pêches. Depuis 1976, les résultats ont cependant diminué de façon spectaculaire par rapport au sommet atteint en 1975: 272 tonnes, auxquelles il conviendrait d'ajouter les captures effectuées par les pêcheurs professionnels vaudois qui venaient assez nombreux, jusqu'en 1982, pêcher l'hiver dans les eaux genevoises, non sans poser quelques problèmes de cohabitation, et celles des pêcheurs amateurs. Toutefois, nous ne disposons pas de chiffres pour ces catégories de pêcheurs.
Cette intensification, dès 1960, de la pêche de ce poisson, s'explique par la demande croissante de filets de perches. Le remplacement du coton par des fibres synthétiques accrut considérablement l'efficacité des engins. Les quantités pêchées dépendent étroitement de la réussite du frai qui a lieu en avril-mai, et dont les premiers sujets atteignent la dimension minimum de capture (15 cm.) aux mois d'août-septembre de l'année suivante. Des conditions météorologiques défavorables au printemps — variations de température — peuvent provoquer d'importants trous dans les classes [p. 148] d'âge. La situation s'aggrave rapidement si la pêche est trop intensive et ne ménage pas un nombre suffisant de géniteurs. Fréquemment, au mois de juin et au début de juillet, de nombreuses perches mortes échouent sur les grèves. Il s'agit de poissons affaiblis par le frai et dont les parasites toujours présents (larves dans le foie, vers dans les intestins) ont entraîné la mort. Le phénomène n'est pas nouveau, puisqu'il était déjà signalé en 1867. Il peut prendre des proportions spectaculaires: en 1975, par exemple, 1150 litres de poissons crevés ont été récoltés à Genève-Plage en l'espace de douze jours.
En vue de protéger les poissons au moment du frai, toute pêche est interdite durant six semaines à cette époque de l'année aux Monts-de-Corsier: il s'agit d'une zone de hauts-fonds au nord de la pointe de Bellerive, emplacement privilégié pour la reproduction de la perche. Cette mesure, introduite en 1957, est pour l'instant la seule de ce type sur le Léman.
Le vengeron, très abondant, se vend difficilement. Les pêcheurs l'évitent donc, mais il conviendrait de réduire ses effectifs, qui deviennent excessifs.
Brochets, corégones (feras) et truites ne représentent qu'une part modeste des prises effectuées par les professionnels genevois, sauf les années où la perche manque. Des rempoissonnements réguliers ont permis de maintenir l'effectif des truites et des populations de corégones et de brochets qui s'étaient fortement amenuisées au début de ce siècle.
Les quantités d'ombles chevaliers pêchées ces dernières années sont en augmentation. Si le rempoissonnement n'est peut-être pas étranger à cet accroissement, l'amélioration de la qualité de l'eau, pour ce poisson très exigeant, explique aussi ce progrès.
Lotte, carpe, tanche fournissent de faibles contingents annuels. Quant à l'épinoche, son expansion dans les eaux genevoises s'est manifestée dès 1961. Après une période de fort pullulement, ses effectifs ont pris des proportions plus raisonnables.
E. M.
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