Les travaux des champs

Lucie Bolens / Claude Desbaillet / Aloys Duperrex
Eric Golay / Françoise Hirsch / Eric Matthey
Gérald Meylan / Michel Rochaix / Jean de Senarclens


En collaboration avec Marc Dugerdil et Cécile Emmenegger-Honegger.


L'agriculture genevoise aux XVIIIe et XIXe siècles


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Le paysage

Avant les remaniements parcellaires du début du XXe siècle, liés à la mécanisation de l'agriculture, la campagne genevoise était divisée par un réseau de haies vives. En cela le paysage agraire genevois se rattachait, non à celui de la Suisse, ou du nord de la France, mais à celui du midi: avec la Savoie c'était le dernier bastion du bocage; le Pays de Vaud, à l'est de l'Aubonne, avec ses champs ouverts, appartenait déjà au nord.
Pays de bocage, c'est-à-dire de champs clos par des haies, et ainsi soustraits aux contraintes collectives de culture qui pesaient sur les paysans en pays de champs ouverts, le bocage laissait une plus grande place à l'individualisme agraire. Derrière ces haies, les parcelles étaient de très petite taille (un demi-hectare en moyenne) et se présentaient souvent sous la forme de rectangles très allongés.
Observée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la campagne genevoise était une zone de polyculture dans laquelle un peu plus d'un tiers (38%) de la superficie était dévolu aux terres labourables (céréales panifiables); un second tiers était boisé, et un cinquième formé de prés. En outre, la vigne, bien que modeste par la superficie qu'elle occupait, jouait un rôle important dans l'économie agraire, par l'abondante main-d'œuvre et les capitaux qu'elle nécessitait. Un autre aspect particulier de ce paysage, aujourd'hui disparu, était l'existence des hutins: ils consistaient en vignes courant d'arbre en arbre au-dessus de champs cultivés. Ces parcelles mixtes couvraient, jusqu'en 1817, environ 8 pour cent du territoire et donnaient au paysage une autre touche méridionale. L'emploi du sol évolue lentement pendant le XVIIIe siècle. On peut noter un timide accroissement des terres labourables accompagné d'une progression des prés. Ces accroissements se sont faits au détriment de bois, souvent de mauvaise qualité, qui servaient auparavant de pâtures aux animaux domestiques.
Au XIXe siècle, grâce aux progrès de la productivité, la surface en céréales diminue, alors que les prés bénéficient d'un accroissement lié à une plus grande consommation de produits laitiers et de viande. Les surfaces viticoles augmentent sensiblement, ce qui détermine une amélioration relative de la qualité des vins.
L'adjonction des Communes réunies au territoire de l'ancienne République, en 1816, n'a pas fondamentalement bouleversé le paysage agraire. Relevons tout au plus la part plus grande des terres labourables dans le nouveau canton (58 pour cent).

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L'agriculture traditionnelle 

Le type d'agriculture qui a prévalu dans les environs de Genève jusque vers 1840 est extensif; en ce sens qu'elle nécessite une grande superficie en raison des faibles rendements qu'elle offre, par opposition à une agriculture intensive, actuellement pratiquée en Europe, où la terre, fortement stimulée par les engrais, produit davantage.
Ainsi une année sur deux ou sur trois, la terre devait être laissée en repos, après la récolte, pour ne pas s'épuiser. Durant cette mise en jachère, elle devait néanmoins être labourée à plusieurs reprises pour se régénérer. A Genève, c'est le cycle de deux ans qui semble avoir été la règle (assolement biennal); il ne s'agit pas là d'un retard sur le reste de l'Europe du Nord qui pratiquait l'assolement triennal, à tort déclaré plus "moderne": l'assolement biennal permettait de produire un maximum de froment, céréale la plus demandée par une ville riche, qui mangeait du pain blanc.
Les raisons de ce sous-emploi des terres — la moitié des terres labourables ne porte pas de culture, alternativement une année sur deux — sont liées au manque d'engrais. Naturelle plutôt qu'écologique, l'agriculture traditionnelle souffre d'un manque chronique d'engrais. Vers la fin du XVIIIe siècle on ne comptait que deux vaches, en moyenne, par exploitation, sans qu'on puisse en augmenter le nombre puisque les terres étaient en premier lieu consacrées aux céréales. D'autre part, la précarité des instruments de labour, les semailles effectuées à la volée, le manque de chevaux, contribuent à figer l'agriculture genevoise dans un immobilisme presque total. Les conséquences de cette agriculture de type ancien sont visibles dans les rendements céréaliers: ceux-ci sont extrêmement faibles. Au XVIIIe siècle, pour un sac de blé semé, on en récoltait de 3 à 5 (le rapport est actuellement de 1 à 40), et ce très bas niveau renforçait la "tyrannie" des [p. 103] blés auxquels il fallait consacrer une part de plus en plus grande des terres.
Dès le milieu du XVIIIe siècle cependant, diverses tentatives sont faites pour améliorer l'agriculture. Prenant exemple sur l'Angleterre, des notables genevois, propriétaires de grands domaines, se passionnent pour l'agronomie, se groupent en sociétés et correspondent avec les divers organismes analogues, créés un peu partout, à Berne comme en France. On étudie en particulier de nouvelles rotations de cultures, permettant d'éliminer la jachère, notamment par l'introduction de plantes fourragères; on fait l'expérience de nouveaux instruments aratoires, on tente de généraliser le semoir afin d'économiser la semence. On tâche également d'augmenter le cheptel en substituant la stabulation à la pâture.
Toutefois ces procédés sont restés, semble-t-il, au stade d'expériences limitées à quelques domaines bourgeois. Qui plus est, les paysans, qui possédaient la plus grande partie des terres, étaient peu novateurs, et nos connaissances actuelles ne nous permettent guère d'affirmer que les rendements céréaliers aient été plus élevés dans les domaines bourgeois que sur les lopins des paysans. Malgré l'affirmation de certains contemporains, aucun indice sûr ne nous autorise à parler de changements décisifs dans l'agriculture genevoise avant le milieu du XIXe siècle. 

La propriété 

Les signes d'une agriculture traditionnelle sont visibles dans la structure de la propriété. Le tableau n° 2 souligne la dimension réduite des possessions, autre caractéristique de la région.
Un regard sur les anciens plans cadastraux nous montre une mosaïque de petites parcelles — appartenant aux paysans — dans laquelle se découpent quelques grands rectangles, qui s'agrandissent et se multiplient avec le temps: les domaines des bourgeois de Genève. 


Cependant les terres n'étaient pas toutes en mains privées. A côté des parcelles appartenant aux paysans et aux bourgeois on trouvait, en proportion moindre, des terrains, en général moins bien entretenus et de moindre valeur, les "communaux", propriétés collectives des paysans de chaque village. Formés de bois, de broussailles, de terre en friche, de lits de rivières, ils servaient de pâtures collectives. Ils permettaient ainsi aux petits paysans de faire paître quelques pièces de bétail. Parfois aussi certaines parcelles étaient amodiées (louées) au profit de la caisse de la communauté rurale.

E. G.
haut

L'agriculture genevoise au XXe siècle

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Le XIXe siècle a connu la révolution industrielle. A Genève, la révolution agricole date du XXe siècle.
Autrefois, une paysannerie nombreuse s'échinait sur un territoire morcelé, sans engrais, sans machines, à produire le strict nécessaire pour échapper à la famine. La "tyrannie du blé" limitait l'effectif du cheptel, d'où la rareté des engrais naturels. En 1888, 14 pour cent de la population totale du Canton vivait de l'agriculture.
Deux guerres mondiales, une politique active de l'Office fédéral de l'agriculture, les remaniements parcellaires et la concentration des exploitations agricoles, le développement de l'enseignement, de la technique, de la chimie, du machinisme agricole, les contraintes de l'économie moderne ont radicalement changé la nature de l'agriculture genevoise. Les cultivateurs d'aujourd'hui sont des entrepreneurs qui travaillent intégrés à une économie exigeante mais parfaitement assimilée. La terre domestiquée, parfois recouverte de verre ou de plastique, contribue à l'alimentation d'une population quatre fois plus nombreuse, tout en exportant une part de sa production spécialisée. A la fin de 1982, les agriculteurs ne représentent plus que un pour cent de la population active, mais ils contribuent largement au bilan économique du canton qui se place, en Suisse, au troisième rang pour la surface viticole et la production de légumes, au quatrième rang pour la production de colza, au sixième rang pour celle de céréales panifiables. 


Des cultures spécialisées

Genève est le pays du blé, de la vigne et des cultures maraîchères. Ces types de culture représentent à eux trois la majeure partie de la production agricole, évaluée à cent millions de francs.
C'est au XXe siècle que l'agriculture suisse a pris conscience de son importance pour l'économie, pour la politique et pour l'existence même du pays. L'essor des chemins de fer, à la fin du siècle dernier, avait favorisé les importations de denrées alimentaires et découragé les paysans de s'adonner à la culture du blé. Les années de guerre de 1914 à 1918 ont démontré la nécessité pour l'agriculture suisse de subvenir au ravitaillement du pays. L'article 23 bis de la Constitution fédérale, adopté le 3 mars 1929 après une longue série de réglementations provisoires s'échelonnant de 1915 à 1927, vise à assurer l'approvisionnement du pays en blé, encourager la culture du blé et la sélection de semences indigènes de qualité, assurer le maintien de la meunerie [p. 107] nationale et sauvegarder les intérêts des consommateurs de farine et de pain. La loi sur le blé, du 7 juillet 1932, fait du blé une culture rémunératrice, protégée par l'Etat, élément clé de la défense nationale. Cette loi s'est révélée particulièrement efficace pendant la Deuxième Guerre mondiale puisque, durant cette période, fait exceptionnel, le blé importé coûtait moins cher à l'Etat que le blé indigène. C'est en partie grâce au plan d'extension des cultures connu sous le nom de son auteur, le conseiller fédéral F. T. Wahlen — issu de l'arrêté fédéral "sur les mesures à prendre en vue d'étendre la culture des champs", entré en vigueur le 6 avril 1939 — que le pays a survécu durant ce conflit, alors qu'il était totalement encerclé par les puissances de l'Axe.

Le milieu du XXe siècle est caractérisé aussi par un changement radical de méthodes: on est passé de la polyculture à la spécialisation. Même le vocabulaire est différent. Le paysan d'hier est devenu agriculteur, éleveur, viticulteur, maraîcher ou encore arboriculteur. Le travail est simplifié grâce à la mécanisation qui économise de la main-d'oeuvre. Il se produit une modification profonde des structures, la vie sociale en est elle aussi affectée.
Dès 1918, l'attrait de la vigne et du blé a incité certains agriculteurs propriétaires de vignes à abandonner leur bétail et à se consacrer exclusivement à la production végétale. Dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en 1945, ce mouvement s'amplifie et conduit de plus en plus le cultivateur genevois vers la spécialisation, exception faite d'une minorité d'agriculteurs membres de syndicats bovins qui conservent leur cheptel, s'intéressent à la production laitière et se passionnent pour la remonte de leur troupeau.
Le passage à l'exploitation agricole sans bétail crée un état d'esprit nouveau chez l'agriculteur: il raisonne davantage en chef d'entreprise, en commerçant. Un lien affectif entre l'homme et l'animal disparaît; l'exploitation sans bétail perd de sa stabilité si elle ne dispose pas de cultures pérennes comme la vigne par exemple. D'autre part, la paysannerie perd l'un de ses caractères spécifiques lorsque la ferme ne possède plus d'animaux domestiques.
Cet abandon de la production animale, après la guerre de 1939-1945, explique la diminution des surfaces herbagères à Genève, alors que dans les autres régions du pays la surface verte avait tendance à s'accroître à nouveau.

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L'influence décisive du professeur Laur

Dès le début du XXe siècle, l'intensification des échanges internationaux soumet le paysan suisse à la dure loi de l'offre et de la demande. A Genève, beaucoup de petits agriculteurs, attirés par la ville, abandonnent leur domaine.
La réaction vient de Brugg, en Argovie: le professeur Ernst-Ferdinand Laur (1871-1964), premier secrétaire des paysans suisses dès 1897, établit les bases de la comptabilité agricole qui va lui permettre de calculer, devant les autorités fédérales, le prix de revient des produits agricoles et de souligner le rôle social et politique de l'agriculture suisse. Encouragés par l'Union suisse des paysans, l'organisation de faîte, les cantons, et Genève en particulier, consolident leur structure agricole (voir plus loin, p. 143-153). 

La formation professionnelle

Au début du siècle, des fils de la campagne genevoise vont suivre à Lausanne l'enseignement de l'Ecole du Champ-de-l'Air à Lausanne. Par la suite, l'Ecole d'horticulture de Châtelaine se dote de cours agricoles et bénéficie du concours de personnalités scientifiques renommées. La sollicitude de l'Etat pour cette école aboutit à la création du Centre horticole de Lullier, joyau fastueux de la République (voir p. 138-139). 

L'amélioration de la qualité et du rendement par la sélection 

L'enseignement seul ne suffit pas à faire progresser l'agriculture. En 1909, Gustave Martinet, directeur de la Station fédérale d'essais agricoles de Mont-Calme à Lausanne, se distingue dans la sélection des plantes cultivées, notamment du blé. Il collabore avec quelques agriculteurs, pionniers dans ce domaine: Eugène Cottier, de Peissy, avait sélectionné, à force d'observations, une variété locale de blé à partir d'une population dénommée Petit Rouge du Pays. Ce blé, semé grain à grain, avait été choisi par le sélectionneur en raison de la belle apparence, de la couleur, de la dimension du grain et fut appelé le Peissy.
Sous l'impulsion de Martinet, des agriculteurs spécialisés se consacrèrent à la multiplication, soumise à des règles de sélection très strictes, de nouvelles variétés de blé obtenues tout d'abord par isolement, puis par hybridation. Pour [p. 110] réussir, une infrastructure solide était nécessaire: ainsi naquit, en Suisse romande, l'Association suisse des sélectionneurs, dont le Groupe des sélectionneurs de Genève reste le plus important. On doit aux efforts communs des stations fédérales et des sélectionneurs la création, puis la multiplication du Probus, en 1948, et du Zénith, en 1969, qui fournit aujourd'hui la majeure partie des emblavures de blé panifiable. Actuellement, l'effort de sélection porte davantage sur la tolérance aux maladies cryptogamiques et sur la qualité de la farine panifiable que sur le rendement, qui a plus que doublé depuis les années trente. Genève a largement contribué à ce travail qui permettra bientôt à l'agriculture suisse de couvrir 80 pour cent des besoins du pays en céréales panifiables.
Le sélectionneur genevois s'intéresse de plus en plus à la production des graminées et de trèfles de semence, ainsi qu'à celle de porte-graines pour les cultures maraîchères. Le climat genevois, sa période estivale chaude et sèche, convient à la production de graines.

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Les apports de la mécanique et de la chimie

La technique procure aux agriculteurs des machines toujours plus perfectionnées et plus efficaces. En 1980, la mécanisation est intense à Genève: on compte 1,7 tracteur par exploitation alors que la moyenne suisse n'est que de 0,8; la surface par tracteur est de 10,4 hectares à Genève, de 12,1 hectares en Suisse.
Si l'on prend l'exemple de la culture du blé, il fallait, dans les années cinquante, compter quelque 110 heures par hectare pour mettre en place la culture, l'entretenir et la récolter. Aujourd'hui, une moissonneuse moderne fauche et bat le grain d'un hectare en une heure, et l'on compte 14 heures pour les autres travaux (labour, semis, épandage des engrais, etc.).
Le développement de la mécanisation, en agriculture comme dans les cultures spéciales, diminue les charges de main-d'oeuvre, mais pèse lourdement sur les frais d'exploitation, en raison des amortissements. En effet, les machines agricoles vieillissent rapidement et doivent être remplacées dans des délais qui ne dépassent que rarement dix ans.
C'est ainsi que l'économie agricole a été prise dans une sorte d'engrenage. Il a fallu des machines pour rester "dans la course" et produire davantage pour financer les machines. Les plus indépendants, qui désirent, par exemple, moissonner au moment le plus propice, se sont équipés, alors que d'autres se sont groupés en associations et utilisent en commun les engins les plus coûteux. Enfin, certains petits exploitants n'ont pas su ou pas pu s'adapter et ont cessé leur activité.
Aujourd'hui, le chef d'exploitation peut effectuer seul tous les travaux, avec un employé si le domaine est grand. Il utilise de multiples machines et un matériel à haut rendement qui suppriment pratiquement le travail manuel, sauf dans les cultures maraîchères et viticoles. Ces deux secteurs, malgré la mécanisation, exigent encore une main-d'oeuvre nombreuse composée de saisonniers et d'employés temporaires.
C'est le manque de main-d'oeuvre et la hausse des salaires qui ont poussé les agriculteurs à se mécaniser. A l'inverse, les nouvelles techniques ont libéré du personnel; il a quitté la campagne pour travailler et parfois s'établir en ville. Son exode n'a toutefois pas rompu les liens familiaux et sociaux, grâce à la proximité de la ville, alors que dans d'autres cantons les agriculteurs sans terre ont dû s'expatrier.
La machine entraîne parfois de véritables révolutions dans les méthodes de culture: ainsi, on assiste à Genève, comme sur la Petite Côte vaudoise, à un regain d'intérêt pour la culture de [p. 112] la betterave à sucre: on sème des graines génétiquement monogermes, enrobées, avec des semoirs de haute précision, ce qui supprime l'ingrat travail d'éclaircissage. Les produits herbicides spécifiques détruisent les plantes adventices, étrangères à la betterave, et les travaux de culture et de récolte sont entièrement mécanisés.
La chimie agricole a fait elle aussi des progrès considérables au XXe siècle. Les engrais azotés, phosphatés et potassiques sont largement utilisés dans les cultures intensives. Des essais sont poursuivis dans les stations de recherche agronomique et par l'industrie chimique pour déterminer les besoins des différentes espèces cultivées en sels minéraux. Les rendements ont fortement augmenté, mais on se préoccupe aujourd'hui de ménager l'environnement et la santé publique, en évitant en particulier l'accumulation des nitrates dans les organes herbacés consommables. 

Techniques nouvelles... et leurs limites

Les techniques culturales évoluent: produits antiparasitaires toujours plus sophistiqués, herbicides aux différents modes d'action, spécifiques ou non, parfois systémiques (pénétrant dans les organes de la plante), exigent des agriculteurs de pointe de la campagne genevoise une formation toujours plus poussée. La nouveauté comporte souvent, en effet, des inconvénients: dans la région de Chancy et Soral, on a expérimenté les semis sans labour et l'on a vu proliférer la pyrale du maïs, parasite de la tige qui peut être détruit si l'on enfouit profondément les pailles par le labour alors qu'il se développe dans les sols non travaillés.
A Genève, en raison peut-être de la proximité de la ville, on est conscient des risques que fait courir l'emploi abusif de l'arme chimique et l'on s'efforce, avec l'aide de la Station fédérale de recherches agronomiques de Changins, d'appliquer des méthodes plus "douces", spécialement dans les cultures fruitières où la multiplication des traitements risquait de conduire à l'intoxication des vergers et des consommateurs. Une véritable lutte intégrée respectant le biotope et utilisant les contre-parasites naturels s'est peu à peu substituée à la lutte chimique aveugle.
Il faut dire que Genève est la porte d'entrée des nouveaux parasites: une cochenille, le pou de San José, parasite des arbres fruitiers, le phylloxéra viticole des années 1900, le doryphore de la pomme de terre, décelé à Russin pour la première fois en Suisse en 1937, et la pyrale du maïs ont fait leur première apparition en Suisse dans le canton de Genève. [p. 113]
Cela explique la vigilance des services phytosanitaires cantonaux qui, dans la plupart des cas, donnent l'alarme à leurs homologues suisses. Le verger genevois est, dans les années quatre-vingt, menacé par le feu bactérien, maladie incurable décelée à la frontière, à Saint-Julien. Il suffirait de la fantaisie d'une abeille ou d'un oiseau pour transmettre cette maladie bactérienne, à l'époque de la floraison, aux cultures fruitières des rives du Rhône. 

Les exploitations agricoles

Dans les villages de la campagne genevoise, il n'est pas rare de rencontrer d'anciennes fermes transformées en maisons d'habitation au charme rustique.
Cette évolution du décor rural se traduit également dans les chiffres: des quelque 2.500 exploitations du début du siècle, 712 subsistent en 1980, dont 500 assurent le revenu principal d'un exploitant. C'est pendant la période de 1939 à 1965 que s'est produit le grand effondrement: plus de la moitié des domaines agricoles a disparu. Les causes de ce phénomène sont multiples: propriétés trop petites pour supporter la mécanisation, exploitants décédés sans laisser d'héritiers disposés à travailler la terre, urbanisation, infrastructure routière, remaniements parcellaires...
Ce sont avant tout les petites exploitations qui ont fait les frais de l'opération. Elles ont cédé le pas à des unités plus grandes, mais n'ont pas disparu pour autant. Celles qui ont su et pu développer des productions intensives, comme la viticulture, les cultures maraîchères, la floriculture ou l'arboriculture, se sont maintenues.
La diminution du nombre d'exploitations s'est traduite par une augmentation de leur superficie moyenne: elle a plus que doublé en l'espace de quarante ans et atteint, en 1980, 18,4 hectares (moyenne suisse: 9,1 hectares).
Tous ceux qui ont quitté la terre ne l'ont pas vendue; c'est dire que l'extension des exploitations s'est réalisée en grande partie par la location de parcelles. Le fermage est avantageux pour le locataire qui, sans immobiliser de capitaux, dispose d'un domaine plus grand et par conséquent d'une meilleure utilisation de ses machines. C'est à Genève que la proportion des terres affermées est la plus forte: 54 pour cent en 1980 alors que la moyenne suisse est de 36 pour cent. Le phénomène est déjà ancien puisqu'au début du siècle déjà les agriculteurs n'étaient propriétaires que de 57 pour cent des surfaces qu'ils cultivaient. Cette proportion élevée s'explique par le fait que certaines familles de la ville possèdent par [p. 114] tradition, dans la campagne avoisinante, de grandes propriétés rurales.
Depuis très longtemps, les Genevois ont possédé ou loué des terres hors des frontières actuelles du canton; les traités de Saint-Julien du 21 juillet 1603 et de Turin du 16 mars 1816 ont pris soin, en particulier, de définir les droits et les obligations des propriétaires genevois de biens-fonds situés hors de la domination politique de Genève. La statistique des douanes suisses indique que 1.800 hectares en moyenne sont mis en culture en France par quelque 270 exploitants domiciliés à Genève. Ces derniers exercent leur activité principalement dans les "zones franches" et accessoirement dans une quinzaine de communes dites "frontalières", comprises dans un rayon de 10 kilomètres de la frontière. Le total des denrées agricoles rapatriées par les agriculteurs genevois atteint, au tournant des années quatre-vingts, environ 7.300 tonnes par an. Il s'agit avant tout de céréales, mais également de maïs-fourrage, de colza et de graines. Viennent ensuite les cultures herbagères, viticoles, forestières, arboricoles et maraîchères, sans oublier 300 hectares de prés et pâturages où va paître du bétail genevois. Les producteurs genevois trouvent ainsi, en propriété ou en fermage, un appoint dont l'importance est maintenue dans certaines limites par un système de préférences accordées à des agriculteurs français lors des transferts de propriétés.

L'occupation du sol

Genève est aujourd'hui un pays de culture par excellence; il suffit de survoler le canton au mois de juin et de juillet pour s'en rendre compte. D'ouest en est du territoire on découvre partout des champs plus ou moins étendus de couleur or qui attendent la moissonneuse-batteuse. La vigne est maîtresse sur les coteaux du Mandement, de Lully, en Champagne et au milieu d'autres cultures, par exemple entre Arve et lac. Le secteur maraîcher est implanté dans les meilleures terres au pied du Salève, de Bardonnex à Veyrier, ainsi que dans la plaine de l'Aire.
Les céréales sont de longue date le pilier traditionnel de l'agriculture genevoise. Quant aux cultures fourragères, leur surface a augmenté en raison des primes introduites en 1951 par les autorités fédérales en vue d'encourager l'extension des terres ouvertes et d'orienter la production. Alors que l'on pratiquait depuis longtemps la culture de l'orge et de l'avoine, celle du maïs-grain est relativement nouvelle et a pris très rapidement de l'ampleur depuis les années soixante. [p. 115] Elle occupe une place de choix dans une rotation des cultures très chargée en blé. Les tendances les plus récentes s'orientent vers des espèces à forte teneur en protéines telles que la féverole, les pois et peut-être même un jour le soja.
Le colza, préconisé au XIXe siècle déjà par la Classe d'agriculture, n'a réellement intéressé les paysans qu'à la suite des dispositions fédérales contraignantes prises durant la Deuxième Guerre mondiale. Depuis, les surfaces n'ont fait que progresser pour atteindre, en 1983, 1.150 hectares, soit l'équivalent du contingent attribué par la Confédération au canton de Genève, qui représente 8,2 pour cent de la surface occupée en Suisse par cette culture.
L'extension des céréales et du colza s'est faite au détriment des herbages et des cultures sarclées : alors que les pommes de terre s'étendaient sur quelque 1164 hectares en 1945 en raison du plan Wahlen, elles ne couvrent plus que 103 hectares en 1980 car elles exigent des machines particulières et une main-d'oeuvre nombreuse et coûteuse.
Il en va de même pour la betterave fourragère, alors que la betterave sucrière qui n'a jamais, jusqu'à ces dernières années, connu la faveur des Genevois, pourrait reprendre de l'importance à l'avenir.
L'arboriculture fruitière a subi d'importants changements. Jusque vers les années cinquante, les arbres fruitiers étaient dispersés dans la nature et l'on pouvait les admirer au printemps, fleurissant en allées ou dans les prés, les champs et les vergers engazonnés jouxtant les fermes. Aujourd'hui, les arbres isolés et les vergers traditionnels ont été "victimes" des campagnes d'abattage, de la mécanisation et de la forte diminution des surfaces herbagères, comme partout en Suisse.
Les premières cultures fruitières intensives ont été introduites dans le canton dans les années cinquante. La progression a été rapide. Quatre-vingts pour cent de la surface du verger genevois sont consacrés aux pommes, en particulier à la variété Golden delicious; la production de pommes d'une année normale est d'environ 2.200 tonnes. La culture de poiriers et de pruniers est beaucoup plus modeste et ne couvre que 23 hectares. 

Les améliorations foncières 

La modernisation de l'agriculture dont il est question plus haut n'a pu être réalisée que grâce aux améliorations foncières. Au début du XXe siècle, les biens-fonds étaient de dimensions restreintes, leur superficie moyenne n'étant que [p. 116] de 75 ares. On comptait 9 parcelles par exploitation. Depuis les années vingt, la création de syndicats d'améliorations foncières dans les diverses régions du canton ont conduit à des remembrements parcellaires combinés avec des travaux d'assainissement d'anciens marais, en particulier l'assèchement de la région de Rouélbeau, de la Seymaz, de la plaine de l'Aire et des marais de Mategnin. En 1939, la surface moyenne des parcelles était d'un hectare; elle a doublé aujourd'hui. L'augmentation du nombre de parcelles par exploitation ne va pas de pair avec l'accroissement des domaines agricoles. A titre d'exemples, en 1975 il y avait 24 parcelles par exploitation à Aire-la-Ville, 20 à Laconnex, 18 à Chancy. Il s'agit là de trois communes de la Champagne possédant un sous-sol riche en gravier recherché pour la construction. Ces communes n'ont guère plus d'un hectare par parcelle. En revanche, Bellevue, Céligny, Collex-Bossy, Genthod et Meyrin exploitent des parcelles d'une surface moyenne de quatre hectares, et les exploitations de ces communes sont moins morcelées que dans le reste du canton.
Les travaux d'amélioration foncière, en dépit des avantages concédés aux agriculteurs, n'ont pas rallié leur approbation unanime. Avant la Deuxième Guerre mondiale, le coût élevé de ces travaux décourageait les uns, tandis que les échanges de terres agricoles heurtaient le sens de la tradition des autres.
Entre 1940 et 1945, l'attitude change: de nombreux agriculteurs adhèrent aux syndicats d'améliorations foncières, convaincus du bien-fondé de ces remembrements.
La nouvelle génération, rompue aux techniques de la culture mécanisée, est acquise aux remaniements parcellaires partout où le besoin en est justifié. Mais un remaniement parcellaire ne prend un caractère obligatoire que si la majorité des propriétaires cultivant la moitié des terres a adhéré au syndicat. A titre d'exemple, en 1967 le syndicat de Laconnex-Soral a obtenu 95 pour cent d'adhésions, ce qui peut être considéré comme un record.
Les milieux de la protection de la nature ont été et sont encore de farouches opposants aux améliorations foncières. Ils critiquent, comme certains scientifiques (botanistes et zoologues entre autres) le remodelage très géométrique du paysage qui supprime chemins et vieilles limites de propriétés et détruit l'habitat d'espèces tant végétales qu'animales. S'il est vrai que certains sites ont été dénudés et que parfois la tronçonneuse a été maniée trop énergiquement, la campagne genevoise a cependant conservé un charme indéniable. D'ailleurs, depuis les années soixante-dix, les autorités cantonales ont pris conscience de l'importance de la [p. 117] sauvegarde de l'environnement et ont procédé à de nouvelles plantations de haies, de bosquets et d'arbres d'essences diverses, parfois avec la collaboration de particuliers (groupements pour la protection de la nature, écoliers).
Un effet bénéfique auquel n'ont pensé ni les responsables des syndicats ni les autorités, c'est la résistance à la construction qu'offrent les zones remaniées. Par leur étendue, elles ont empêché la politique du "grignotage" qui, villa après villa, mille mètres par mille mètres, aurait recouvert lentement, mais sûrement d'importantes surfaces à une époque où l'aménagement du territoire n'était pas encore réglementé comme aujourd'hui. En revanche, elles ont simplifié les conditions d'implantation du secteur secondaire, en particulier la création de nouvelles zones industrielles à Plan-les-Ouates et à Meyrin-Satigny (voir le volume I de cette Encyclopédie, pages 152 à 158).
Comment réconcilier les amoureux de la nature et les agriculteurs? Cela semble malaisé... Le naturaliste Robert Hainard n'a-t-il pas écrit dans un quotidien genevois qu'il craignait davantage les agressions des paysans contre la nature que les effets de l'emprise industrielle? Devant de telles outrances, reconnaissons que la campagne genevoise ne manque pas de beaux arbres faisant l'admiration des promeneurs. Genève a su garder, mieux que la plupart des autres cantons soumis à l'emprise de la construction urbaine et industrielle, sa chênaie, ses bosquets et ses haies, que les agriculteurs respectent en dépit des inconvénients certains qu'ils en éprouvent dans leur activité professionnelle. 

L'élevage bovin

On assiste à Genève, depuis les années soixante, à un double phénomène: une diminution globale du cheptel et l'abandon progressif de la production de lait, les vaches laitières étant remplacées, chez certains agriculteurs, par des veaux et du gros bétail d'engrais, qui demandent moins de temps et un personnel moins qualifié. Le nombre de détenteurs de bétail bovin, quant à lui, est en constante diminution depuis 1866.
Ainsi les livraisons aux Laiteries Réunies des producteurs de lait de Genève et environs représentaient en 1937, avec 13 millions de kilos, le 44 pour cent de la production totale de la centrale laitière. Elles ne représentent plus, en 1981/82 que 5 millions de kilos, ou 10,5 pour cent des livraisons totales aux Laiteries. Ces livraisons permettent théoriquement de ravitailler 46.000 personnes en lait de consommation. [p. 118]
Cette situation ne doit pas faire oublier que l'élevage a marqué l'agriculture genevoise, et cela jusqu'à une période toute récente. Il a été considéré par les uns comme un poids, par la contrainte journalière qu'il impose aux exploitations, et par d'autres comme un auxiliaire précieux de la culture des céréales à cause de la production d'engrais naturels. Aujourd'hui, Genève compte une minorité active de bons éleveurs qui participent aux concours de Carouge et vouent à leur troupeau un soin extrême.
On comptait, en 1978, 70 pour cent d'animaux de la race tachetée rouge, 16 pour cent de la race brune, 9 pour cent de la race tachetée noire et 0,2 pour cent de la race d'Hérens, le solde étant représenté par des métis.
Ce sont les concours d'élevage organisés dès 1823 par la Classe d'agriculture de la Société des Arts qui sont à l'origine des efforts faits par les agriculteurs genevois pour sélectionner des sujets de race pure et d'un bon rendement. Le jury avait choisi la race brune, ou race de Schwytz, qui fut peu à peu supplantée, dès le milieu du siècle passé, par la race tachetée rouge, ou race bernoise. C'est à la même époque que l'on voit apparaître à Genève des vaches fribourgeoises, tachetées noires.
Les syndicats d'élevage ont joué un rôle important dans la production d'animaux de race pure. Seuls, en effet, les éleveurs membres de ces syndicats sont admis, depuis 1913, à présenter des animaux au concours de Carouge. A cette époque, il existait seize syndicats d'élevage bovin de la race tachetée rouge. Il n'en existe plus que sept en 1982 (Avully et environs, Bardonnex, Céligny, Genthod-Bellevue, Jussy, Puplinge-Presinge, Vandoeuvres et environs). Ces syndicats sont réunis dans la Fédération genevoise, elle-même membre de la Fédération suisse, qui est chargée de fixer les objectifs et de défendre les intérêts généraux des éleveurs auprès des autorités de la Confédération et des cantons. [p. 119]
A l'origine, la tâche des syndicats était de mettre à la disposition des éleveurs des reproducteurs de qualité; aujourd'hui ils tiennent les registres généalogiques (herd-book) et délivrent les certificats de saillies et d'ascendance.
La production laitière des vaches a fait des progrès considérables grâce à l'amélioration du bétail et de son affouragement, à l'insémination artificielle et, dans certains cas, à des croisements avec des races étrangères typiquement laitières (Red Holstein, Brown Swiss, Holstein). En 1824, la Classe d'agriculture invitait les propriétaires à mesurer le lait produit et à communiquer les résultats au Comité. En 1840, la laiterie de Vernier compta une production moyenne de 1.393 pots fédéraux par vache, soit 2.100 litres. En 1981-1982, les éleveurs genevois de la race tachetée rouge annoncent une production moyenne de 5.371 kilos, contre 4.284 kilos en 1970-1971 ; ceux de la race brune 5.003 kilos contre 3.784, ceux de la race pie noire 6.002 kilos contre 4.311. 

Conclusion 

L'agriculture genevoise, c'est en quelque sorte une large ceinture verte autour d'une ville qui abrite la majeure partie de la population du canton. Et pourtant, malgré l'exiguïté de son territoire (284 kilomètres carrés) Genève se place en fort bonne position en Suisse par sa production vinicole, maraîchère et céréalière.
C'est peut-être justement cette exiguïté qui a obligé les agriculteurs genevois à se surpasser. Sur le plan national, le rendement des différentes cultures a plus que doublé de 1930 à 1980. Les chiffres genevois atteignent, dans les bonnes années, plus de 50 quintaux de blé à l'hectare, contre 47 quintaux de moyenne suisse, plus de 30 quintaux de colza contre 27, et plus de 75 quintaux de maïs, soit un rendement au moins égal à la moyenne suisse.
L'agriculture genevoise tire son dynamisme d'une longue tradition et d'un contact étroit avec les milieux scientifiques de la ville. Les liens entre la cité et sa campagne favorisent les échanges, encouragent les initiatives et suscitent l'émulation. Les agriculteurs acquièrent une ouverture d'esprit que l'on rencontre rarement, à un tel degré, dans les autres régions. Ils ont toutes les caractéristiques de gestionnaires habiles, entreprenants et efficaces. 

M. R. et J. de S.
[p. 120: image / p. 121]
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Le vignoble genevois


Les origines 

On a cru pouvoir dater de 50 après J.-C. l'acte de naissance du vignoble genevois, sur la base d'un court texte de Pline l'Ancien qui, au livre XII de son Histoire Naturelle, évoque les voyages d'un Helvète nommé Hélicon, forgeron de son métier, qui eut le mérite de rapporter d'Italie, entre autres richesses, des raisins et des vins. Cette anecdote illustre mieux les effets de la situation géographique genevoise sur le trafic des denrées, que la genèse du vignoble. Une lecture plus complète de Pline l'Ancien, au livre XIV, ch. 26, permet d'affirmer que des vignes indigènes étaient cultivées par les Allobroges comme par les Helvètes. Cette vigne "dont le raisin noir mûrit à la gelée" donne un vin au goût "poissé" et ses propriétés dues au plant et au terroir se perdent (toujours selon Pline) lorsqu'on la transplante. Supportant le froid, elle atteste l'existence d'un vignoble genevois indigène en 77 de l'ère chrétienne (date de la mort de Pline), mais il n'est pas exclu que ce vignoble soit plus ancien.
C'est aux Gaulois que l'on doit la fabrication du tonneau vinaire, en bois d'if cerclé, qui, remplaçant les fragiles amphores romaines, permet un plus important stockage du vin, et le développement de son commerce le long du Rhône, dont Genève commande le passage. 

L'expansion du Moyen Age chrétien 

Un document médiéval de premier ordre permet non seulement d'évaluer ce développement antique, mais encore d'imaginer les parchets eux-mêmes: au VIe siècle, la loi Gombette, due aux rois burgondes Gondebaud et Sigismond, pénalise sévèrement les bris de clôtures (art. 27), et encourage la plantation de vignes sur les champs communaux (art. 31); le vol des raisins, la nuit, le parchet étant gardé, est puni de mort si le voleur est un esclave et d'une amende (trois sous) si le voleur est un homme libre (art. 27).
Au XIe siècle, Dardagny, Malval, Russin, Challex, Peissy sont encore zones forestières tandis que dominent les marais sur la rive gauche, vers Jussy, Corsier, Hermance; c'est dans cet espace boisé et humide que les cultures s'organisent tant bien que mal, et que l'essor se produit entre le IXe et le Xe siècle. Tout cela pour autant que nous puissions le savoir par les très rares documents de l'époque. Au demeurant, ceux-ci ne nous apprennent pas de quels cépages il s'agissait alors.

[p. 122]

Des moines viticulteurs au vignoble bourgeois 

Le plus ancien document de nos Archives d'Etat est une charte de donation datée d'après les années de règne du roi Rodolphe Ier de Bourgogne, de 912 — en réalité il s'agit d'une copie falsifiée du XIIe siècle, ainsi que l'a établi M. Jean-Etienne Genequand. Les éléments de ce texte qui remontent à une base authentique sont une donation, par la comtesse Eldegarde, veuve du comte Ayrbert, au monastère de Saint-Pierre de Satigny d'une série de bienfonds: vignes, prés, forêts, alpages, eaux courantes, terres cultivées ou incultes, bâtiments, serfs et leurs femmes, situés dans les domaines de Choully, Satigny, Peissy, Challex et Logras. On peut donc dire que le vignoble du Mandement existait déjà au Xe siècle.
Les cinq siècles de vie rurale qui séparent 912 de 1512 (dissolution du prieuré de Satigny par une bulle du pape Jules II) sont capitaux pour la mise en place du vignoble tel qu'il est décrit encore au XVIIIe siècle: parchets en ordre dispersé, forte proportion de hutins (vignes hautes courant en guirlandes entre les arbres fruitiers et les érables), tout donne un air de fête à la campagne de Genève. La tendance autarcique médiévale s'applique tout particulièrement au vignoble: point de communauté chrétienne sans vin de messe, et l'on accommode le plant au sol comme au site.
Avant la vendange, le ban est proclamé: l'entrée des vignes est interdite et des gardes spéciaux sont désignés pour les surveiller. C'est ainsi qu'en 1368, réunis dans le cloître de Saint-Pierre, syndics et conseillers nomment les cinq responsables qui assureront la garde des vignes sur les deux rives du Rhône (A. Babel). En 1430, le Conseil interdit que l'on pénètre dans les vignes, à pied ou à cheval, sous peine de 60 sous d'amende, ce qui est l'équivalent d'une amende payée pour coups et blessures avec effusion de sang.
Déjà depuis les Franchises d'Adhémar Fabri (1387), seuls citoyens, bourgeois et chanoines sont autorisés à vendre du vin. 

L'époque moderne et l'intensification des méthodes culturales 

Le XVIIe siècle — appelé "petit âge glaciaire" par les historiens du climat — fut difficile; néanmoins le vignoble suffit à la consommation genevoise; les travaux d'Anne-Marie Piuz sur le commerce au XVIIe siècle permettent [p. 123] d'évoquer l'extension de la vigne autour de Genève, sur les bords du lac, du Rhône, dans les villages de la Seigneurie; les institutions confirment la primauté viticole dans la vie de la cité: en effet "la fiscalité frappe deux fois plus le vignoble enrichissant que les terres ouvertes".
Au XVIIIe siècle, grâce aux précieux cadastre ruraux et aux traités d'agronomie, se précisent, pour l'historien, les "systèmes de culture" proprement dits. La rationalisation date du début du XIXe siècle, comme en témoigne l'ouvrage de Charles-Jean-Marc Lullin (1752-1833), intitulé Du perfectionnement de la vigne. Il dénonce comme périmés le désordre des plants sur la surface viticole, le non-alignement des ceps préjudiciable aux travaux, la plantation de variétés de ceps différentes sur un même espace, la négligence ou le mauvais calcul de ceux qui laissent pousser les herbes entre les ceps pour nourrir les bêtes, et enfin l'emploi d'ouvriers non qualifiés, "pris sur le marché", pour des tâches aussi importante que la taille ou les ébourgeonnements.

L. B.
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La viticulture contemporaine


La viticulture genevoise contemporaine doit son existence à une évolution qui a commencé au XIXe siècle, avec les idées novatrices de Charles-Jean-Marc Lullin et qui a été marquée par deux faits principaux: premièrement l'ouverture des voies ferrées (1858), prélude aux années difficiles avec l'arrivée des vins français qui font concurrence aux vins genevois. En second lieu les maladies de la vigne, en particulier le phylloxéra, l'oïdium et le mildiou. Ces événements ont bouleversé la viticulture traditionnelle.
Plus de la moitié du vignoble, qui atteignait 1.871 hectares en 1893, disparaît entre 1900 et 1930; c'est la fin des hutins. Le maintien du reste du vignoble réclame des connaissances nouvelles, du dynamisme, de l'opiniâtreté. Moyennant ces efforts, la vigne cesse de disparaître, se stabilise aux environs de 850 hectares et se développe à nouveau pour atteindre 1.231 hectares en 1980. 

La crise phylloxérique

Le phylloxéra, insecte d'origine américaine, qui détruit les cépages européens en attaquant leurs racines, s'introduit dans le vignoble genevois en deux phases: de 1874 à 1884, la région de Pregny est contaminée par l'importation de plants infestés; en 1886, les communes frontalières sont fortement attaquées par des essaims venus des zones franches de Haute-Savoie et de l'Ain.
Tout d'abord, on essaie de détruire l'insecte. Dès 1894, on adopte la méthode du greffage de la vigne européenne, en majeure partie du Chasselas, sur des porte-greffe de sang américain dont les racines résistent au phylloxéra. Les chercheurs de l'Ecole de Montpellier ont été les premiers à réaliser des croisements (hybridation) à partir de vignes américaines, donnant naissance à différents porte-greffe adaptés au climat et au sol et présentant assez d'affinité avec la vigne européenne (vitis vinifera). Il s'agit là d'une méthode véritablement biologique de lutte contre le phylloxéra; Genève est le premier canton suisse à l'avoir appliquée. La souche greffée est plus puissante que la souche non greffée; elle réclame d'autres conditions de culture, elle permet la diminution du nombre de ceps à l'hectare. 

Le renouveau du vignoble

Le greffage sur plant américain est la première étape du renouveau. Dès 1896, la lutte contre le mildiou, champignon [p. 125] parasite venu d'Amérique, marque une nouvelle obligation pour les vignerons.
Durant le premier tiers du XXe siècle, le vignoble genevois adopte le palissage sur fil de fer en lieu et place de la conduite de la vigne en gobelet traditionnel. Là encore, le vigneron genevois fait oeuvre de pionnier en Suisse.
A partir de 1930, une partie des Chasselas est remplacée par des hybrides rouges, croisements d'espèces européennes et américaines, qui sont résistants au mildiou et produisent des vins bons marché. Ils ont un goût particulier qu'on appelle "foxé" et qui provient de la vigne américaine, vitis Labrusca.


Dès 1949, grâce à la mécanisation du traitement, ces hybrides sont peu à peu remplacés par des Gamay, plant du Beaujolais au goût plus fin. L'introduction de nouvelles machines dans le vignoble genevois connaît un progrès décisif en 1958 avec le remplacement du cheval par le tracteur enjambeur. Les progrès réalisés dans la culture de la vigne et la vinification répondent aujourd'hui aux exigences accrues du consommateur. 

La vente du vin 

A la suite de difficultés conjoncturelles et commerciales, les viticulteurs, qui étaient jusqu'alors tous vendeurs de leur vin, ont senti le besoin de s'unir pour mieux écouler leurs produits. C'est alors que sont créées les caves coopératives (voir plus loin, pages 128, 151-152). Ces organisations favorisent une vinification meilleure. Toutefois elles modifient les habitudes régionales, puisque certains villages, tels que Russin, par exemple, voient disparaître toutes les caves de vinification que l'on visitait en tournées mémorables.
En 1946, l'ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires oblige à vendre les vins sous leur appellation d'origine. C'est dès ce moment que les vins de Genève font la conquête du marché suisse sous leur appellation cantonale.
Actuellement, à la suite des difficultés qu'elle a subies, la viticulture genevoise est une viticulture moderne et dynamique. Elle est pratiquée par des hommes de métier, bénéficiant de l'apport intellectuel de la ville toute proche, et formés dans des écoles spécialisées.

[p. 127]

Géographie, sols, encépagement 

Le canton de Genève jouit d'un climat propice à la culture des vignes. Il est parfois handicapé par des brouillards d'automne.
Les vignes sont cultivées sur la plupart des collines ensoleillées et peu sujettes au gel de printemps. Les zones viticoles sont obligatoirement comprises dans le cadastre viticole fédéral qui limite la culture de la vigne aux endroits favorables. Les deux tiers du vignoble sont situés dans les trois communes du Mandement, soit: Satigny (439 ha), Dardagny (164 ha) et Russin (75 ha). Les communes les plus importantes de la rive gauche sont entre le Rhône et l'Arve: Bernex avec le coteau de Lully (73 ha), Soral (80 ha) et Laconnex (36 ha), et entre le Lac et l'Arve: Meinier (72 ha) et Jussy (37 ha).
La plupart des coteaux sont peu inclinés, facilement accessibles aux machines. Environ un sixième de la surface cantonale est pourtant situé sur de fortes pentes où le travail au tracteur est rendu difficile, voire impossible.
On rencontre des types de sols très divers, avec ou sans cailloux, pauvres ou riches en calcaire. Mais, le plus souvent, ce sont des terres moyennes à fortes, contenant peu de cailloux, 20 à 25 pour cent d'argile, 5 à 15 pour cent de calcaire.
L'encépagement a varié au cours des siècles. On recense à Genève du Chasselas, cépage traditionnel romand, le Riesling-Sylvaner, croisement obtenu au début du XXe siècle dans la région du Haut-Rhin, le Gamay, variété typique du Beaujolais, et le Pinot, cépage qui est à l'origine des vins rouges bourguignons. 


On trouve également à Genève des variétés dites spécialités, car elles sont cultivées sur de faibles surfaces. Il s'agit de l'Aligoté, du Chardonnay, du Pinot gris, du Pinot blanc, du Gewürztraminer et même un rouge de Merlot. 

Modes de culture et mécanisation 

Environ quatre cinquièmes du vignoble sont cultivés en taille Guyot basse et étroite. Cette méthode de culture est travaillée avec des tracteurs enjambeurs qui passent au-dessus d'une ou deux lignes de vigne. Ces appareils cultivent le sol, traitent la vigne, la rognent, broient ses sarments en hiver, etc.
Le cinquième restant du vignoble est cultivé en culture mi-haute et haute. Ces systèmes de cultures ont été introduits pour permettre d'utiliser des tracteurs interlignes simples, pour faciliter l'entretien de la fertilité du sol avec des fumures organiques et des engrais verts et pour diminuer les charges en main-d'oeuvre. 


Récolte et commercialisation 

Entre 1969 et 1981, la production du vignoble genevois a oscillé entre 78.100 et 129.500 hectolitres. Cette récolte est mise en valeur et commercialisée pour la plus grande partie par la fédération Vin-Union Genève. Cet organisme réunit trois coopératives, celles du Mandement, de Lully et de La Souche qui encavent la récolte de 960 hectares, soit le 78 pour cent de la surface du vignoble et qui groupent 350 sociétaires. Cette surface représente une moyenne de 2,7 hectares par sociétaire, mais on peut dire que les viticulteurs spécialisés travaillent des surfaces de 4 à 10 hectares. Vin-Union et ses coopératives affiliées disposent d'une capacité d'encavage de 140.000 hectolitres. Outre cet organisme coopératif, qui assure la diffusion des vins genevois dans toute la Suisse, une trentaine de viticulteurs-encaveurs élaborent leur propre récolte et vendent des bouteilles. Ils enrichissent la palette des [p. 129] étiquettes genevoises de toute une série de cépages et de crus. En 1971, à la suite de la donation de Louis Eckert, le canton de Genève a pu créer son propre domaine viticole et produire un vin aux armes de la République, sur le coteau de Bernex. 

Protection du vignoble 

En 1951, les autorités genevoises ont légiféré pour créer des zones d'affectation du territoire cantonal; elles ont défini en particulier une zone agricole dans laquelle est comprise la majeure partie du vignoble. Par là, il fut protégé de l'emprise de la construction. La loi sur la viticulture, du 26 mai 1972, renforce ces mesures: seules sont admises les constructions et installations destinées à l'exploitation de la vigne. La loi protège efficacement le vignoble contre de nouveaux déclassements en zone à bâtir. 

Formation professionnelle 

Vu l'importance, la taille et le chiffre d'affaires des entreprises vinicoles genevoises, la formation professionnelle des jeunes est considérée comme un élément primordial de réussite. La plupart d'entre eux fréquentent des écoles professionnelles cantonales à Marcelin sur Morges et à Châteauneuf près de Sion, ou le Centre professionnel de Changins près de Nyon, qui enseigne la viticulture, l'oenologie et l'arboriculture. Il organise, d'une part, des cours annuels supérieurs faisant suite à l'enseignement donné dans les Ecoles d'agriculture, et décerne, d'autre part, des diplômes d'ingénieur ETS après six semestres d'étude. Depuis quelques années, la formation des ingénieurs agronomes à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich comporte des travaux de semestre et de diplôme en viticulture. Plusieurs étudiants d'origine genevoise ont suivi cette voie et sont devenus de bons spécialistes au niveau universitaire de la viticulture et de l'oenologie.
L'Association genevoise des centres d'études techniques agricoles assure la formation continue des chefs d'exploitation. Les viticulteurs s'inscrivent dans un groupe. Chaque groupe visite des cultures et tient des séances de perfectionnement. Les viticulteurs affiliés à ces groupes cultivent plus de 80 pour cent du vignoble. L'Etat de Genève participe à ce travail par l'intermédiaire de la Station cantonale de viticulture et d'oenologie.

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Conclusion 

La viticulture genevoise est dans son ensemble moderne et dynamique; elle a une faculté d'adaptation remarquable aux nouvelles techniques. Par la configuration du vignoble et la structure des exploitations, elle est très rationnelle. Dans le cadre du vignoble suisse, elle fournit des vins de bonne qualité et relativement bon marché. Elle est bien armée pour surmonter les difficultés pouvant survenir, qu'elles soient d'ordre économique ou technique.
La présence du vignoble, élément permanent du paysage, la production des vins du terroir aux abords d'une ville en expansion, procurent aux trois cent mille habitants du pays de Genève un contact avec la nature qui contribue à leur équilibre.
Le vignoble genevois a gagné sa place au soleil, grâce aux connaissances acquises en viticulture et en oenologie. On peut mentionner un choix adéquat des cépages convenant au sol et au climat local, des techniques culturales appropriées qui tiennent compte à la fois des contraintes de l'économie du marché et des exigences du consommateur quant à la qualité des vins produits. 

C. D.
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La culture maraîchère


La culture maraîchère 

Qui survole le canton de Genève est frappé par l'importance des surfaces couvertes de tunnels de plastique et de serres: ce sont les cultures maraîchères sous abri, qui occupent près de 70 hectares, soit 30 pour cent des surfaces occupées en Suisse par ce type de cultures. Ainsi le canton de Genève, malgré son exiguïté, ou peut-être à cause d'elle, est le premier canton de Suisse pour la production maraîchère sous abri: c'est en effet une de celles qui assure le maximum de rendement pour le minimum de surface au sol.
La culture sous abri s'explique par la nécessité de fournir des légumes sur les principaux marchés suisses avant et après les autres, autrement dit d'avancer le printemps et d'allonger l'automne tout en bénéficiant de bonnes conditions de travail par tous les temps. Sont cultivés de la sorte laitues pommées, tomates, concombres, endives, radis, rampon, aubergines et poivrons. Les autres légumes, comme d'ailleurs une partie des laitues, sont cultivés en pleine terre.
Ce développement spectaculaire de la culture maraîchère genevoise tient à la fois à la nature et à l'histoire. A la nature parce que le climat de Genève est doux et le terrain fertile. A l'histoire parce que, dès le Moyen Age, la culture maraîchère a trouvé à Genève, et plus particulièrement à Plainpalais, une terre d'élection. 

Les jardins de Plainpalais 

Maraîcher, étymologiquement, vient de marais. Or les terrains de Plainpalais (de palus = marais) en amont de la Jonction ont été gagnés sur le delta de l'Arve, qui formait à l'origine des îles boisées, des bancs de gravier et des marais, et couvrait encore vers l'an mille, d'après Louis Blondel, presque tout l'espace compris entre la colline de la ville et la terrasse d'alluvions du Bois de la Bâtie. Ce sont les dominicains du couvent de Palais qui ont été les premiers à défricher ces terrains et à endiguer le cours de l'Arve. Les "Plantaporrêts" (de plante-poireaux) genevois s'y sont mis à leur tour. Au XVIe siècle, des réfugiés huguenots de la région de Toulouse auraient introduit la culture du cardon et de l'artichaut, de même que les "puiserandes", pompes à godets mues par des manèges à chevaux qui puisaient l'eau de la nappe souterraine, comme le font les norias espagnoles et nord-africaines. Certains auteurs font remonter cet apport huguenot à la Révocation de l'Edit de Nantes, en 1685, mais les documents du XVIe siècle font déjà état d'un grand développement du jardinage dans ce secteur. [p. 132: image / p. 133]
Les jardins de Plainpalais, restés légendaires, ont disparu en grande partie à la fin du siècle dernier, notamment lors de la préparation de l'Exposition nationale de 1896. Les maraîchers de l'époque trouvèrent, non loin de là, sur les plaines situées aux bords de l'Aire et de la Drize, connues sous le nom de La Praille et des Acacias, un terrain propice à de belles cultures, formé d'alluvions mêlées aux terres fertiles. Mais ces plaines ne résistèrent pas longtemps à l'expansion de la ville. Dès les années vingt, les maraîchers durent à nouveau laisser la place aux constructions d'immeubles et de complexes industriels. Les bonnes terres étant rares, ils entreprirent d'assainir les grands marécages situés à Troinex, Sionnet et Certoux.

L'Union maraîchère de Genève 

On compte dans le canton environ cent maraîchers, qui disposent en moyenne de quatre à cinq hectares de terrain chacun. Quatre-vingts pour cent d'entre eux sont membres de l'Union maraîchère de Genève, société coopérative de vente qui commercialise les produits de ses membres et oriente leur production en fonction des besoins du marché. 

La production des légumes

Depuis toujours, une part importante de la production genevoise de légumes est vendue sur les marchés extérieurs. Actuellement, 60 pour cent en quantité et 75 pour cent en valeur sont exportés du canton. Ce sont avant tout des primeurs: laitue pommée, tomate, concombre, rampon viennent en tête des légumes vendus sur les marchés de gros de Suisse. Mais les maraîchers genevois produisent une quarantaine de légumes différents et satisfont presque entièrement les besoins de la population genevoise, alimentant le marché de gros de La Praille, les marchés en plein air et les grandes surfaces.
Certains légumes sont une exclusivité ou une spécialité genevoise: la rhubarbe, l'oignon frais, le chou pointu, la batavia, la salade de Pâques et surtout le cardon, qui ne se cultive qu'à Genève. L'endive y a été produite dès 1898 et jusqu'aux années soixante selon la méthode traditionnelle. Dès 1978, quelques maraîchers d'avant-garde utilisent le procédé hydroponique de forçage dans l'obscurité. Quant au cardon, il est blanchi en cave ou, depuis peu, en terre mais en cellules climatisées. [p. 134]
En revanche, on ne cultive plus l'artichaut gros violet de Plainpalais et des spécialités telles que le chou-fleur de Genève, le courgeron de Genève et le haricot blanc de Plainpalais ne tiennent plus la vedette sur les marchés aux légumes.
Les maraîchers genevois font appel aux techniques les plus modernes de la mécanisation, de l'automatisation, de l'arrosage au goutte à goutte afin de produire des légumes de qualité à des prix compétitifs. Ils se trouvent en effet confrontés à une concurrence redoutable, celle des cultivateurs des zones franches de Haute-Savoie et du Pays de Gex, qui bénéficient de contingents libres à l'importation, sans parler des achats de légumes français, italiens, espagnols.
Ainsi la production maraîchère genevoise, comme les autres secteurs de l'agriculture, doit beaucoup à une formation professionnelle avancée et au perfectionnement de la technique.

A. D.
[p. 135]
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Floriculture et pépinière ornementale


La floriculture et la pépinière ornementale sont deux branches importantes de la production végétale genevoise. Dans un canton enserré dans des limites territoriales étroites, 45 hectares sont consacrés à la culture des fleurs, dont 120.000 m2 sous serres en verre et 30.000 m2 sous serres en plastique; les pépinières couvrent une surface d'environ 100 hectares.
Le développement de l'horticulture genevoise a débuté au XVIIIe siècle avec l'installation de vastes propriétés aux jardins fleuris et aux riches collections d'arbres; à la même époque, d'éminents botanistes ont contribué par leurs recherches au renom de l'horticulture.
Actuellement, Genève constitue, avec Zurich et la Riviera vaudoise, l'un des trois centres de production horticole en Suisse. 


La floriculture 

La palette de la production florale genevoise est très variée; dans le secteur de la fleur coupée, les horticulteurs cultivent en grande quantité la rose, le chrysanthème, le cymbidium (espèce d'orchidée), le lis, la tulipe; en quantité moyenne le freesia, le muflier, le glaïeul, le gerbera, la fleur de plein champ (dahlia, zinnia, reine-marguerite, etc.) et en petite quantité l'oeillet. Les plantes en pots, begonia elatior, poinsettia, saintpaulia, cyclamen, chrysanthème, plantes vertes, etc. occupent une place de choix chez les producteurs spécialisés. La plante de garniture (pensée, géranium, pétunia, bégonia, etc.) fait l'objet d'un marché très important au printemps et en automne.
Cette production florale, unanimement reconnue pour sa qualité, ne peut se faire actuellement sans le développement d'une haute technicité et les soixante horticulteurs établis sur notre territoire l'ont très bien compris. Organisés sur les plans de la technique et de la vente, ils font preuve d'un grand dynamisme et sont à l'affût des derniers perfectionnements.
La première crise du pétrole (1973), en provoquant un brusque triplement du coût de l'énergie, a obligé les horticulteurs genevois à investir des montants considérables en équipements (serres modernes, systèmes d'arrosage, d'éclairage et de chauffage perfectionnés, écrans thermiques, etc.) afin que les fleurs produites à Genève soutiennent la concurrence extérieure.
Parallèlement, et pour rester à l'avant-garde, ils procèdent, en collaboration avec la section de floriculture et cultures d'ornement du Laboratoire de techniques agricoles et [p. 136] horticoles, à de nombreux essais dans des domaines variés tels que recherche de nouvelles variétés, lutte antiparasitaire, mise au point de techniques culturales, fertilisation. 

La pépinière ornementale

Les pépinières genevoises doivent leur renom à la production de sujets de grandes dimensions qui, grâce à l'évolution des techniques culturales, peuvent être transplantés dans des conditions optimales. De plus, la multiplication rapide et la nouvelle culture dite "en container" permettent d'obtenir des plantes de haute qualité, transplantables en toute saison. Cette technique, en vigueur dans de nombreuses pépinières du canton, répond aux exigences des entrepreneurs de parcs et jardins, jardiniers avertis et amateurs.
Ainsi, les pépiniéristes genevois sont à même de cultiver et de vendre des végétaux (conifères, arbustes et arbres à feuillage caduc ou persistant) de toutes dimensions et leur activité contribue au maintien et à l'embellissement du site. 

L'apport de Genève à l'horticulture suisse

La production horticole suisse est estimée à 600 millions de francs par an, soit 100 francs par habitant environ. Genève occupe le troisième rang dans cette production.
Les horticulteurs genevois utilisent trois canaux de distribution: les bourses aux fleurs et les grossistes qui alimentent les fleuristes; les grandes surfaces qui se fournissent en partie directement auprès d'eux; les ventes directes au détail, en particulier sur les marchés, qui sont réputés dans toute la Suisse pour la qualité des fleurs offertes à la vente.
Genève a encore d'autres titres de gloire dans le domaine de l'horticulture: c'est un Genevois qui a été le premier en Suisse à produire des chrysanthèmes toute l'année. Un autre Genevois a été l'un des premiers à pratiquer la culture intensive de la rose en serres et a développé la culture en grand des orchidées. Enfin, c'est un pépiniériste genevois qui occupe la plus grande surface de pépinières de Suisse.
En conclusion, l'horticulture genevoise, en fournissant une gamme étendue de produits de qualité, est une branche très active de l'économie du canton. Le renom de "Genève —Ville fleurie" et "Genève — Cité des parcs" n'est pas près de s'éteindre.

G. M.
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Le centre horticole de Lullier

Le Centre horticole de Lullier, inauguré en 1974, s'inscrit dans une tradition fort ancienne marquée par la fondation de la Société des Arts, Classe d'agriculture, en 1776, de la Société de physique et d'histoire naturelle en 1791, du Jardin botanique en 1818, de la Société d'horticulture en 1855. En 1887, un horticulteur d'avant-garde, Edmond Vaucher, constatant qu'il est difficile de trouver de la main-d'oeuvre qualifiée, fonde, avec l'appui de la Société genevoise d'utilité publique, l'Ecole d'horticulture de Châtelaine, première école d'horticulture de Suisse, qui devient publique en 1891.
Dès sa fondation, l'Ecole, tout en se vouant à la formation pratique des horticulteurs, a gardé une liaison étroite avec la Faculté des sciences de l'Université de Genève. Déjà les savants des XVIIIe et XIXe siècles avaient découvert que la campagne genevoise était le meilleur de leurs laboratoires. A leur suite, les enseignants universitaires de la première moitié du XXe siècle, les Duparc, Chodat, Correvon, ont conféré à l'enseignement professionnel de l'Ecole un niveau élevé.
Le domaine de Châtelaine, d'une superficie de dix hectares, étant devenu trop petit pour permettre l'introduction des méthodes de culture intensive appliquées par les professionnels, l'Etat de Genève fait l'acquisition, en 1963, d'un domaine de trente-cinq hectares environ à Lullier, à proximité de Jussy, à l'extrémité nord-est du canton. C'est là que s'installe le Centre horticole formé de l'Ecole d'horticulture et du Technicum horticole, devenu en 1979 l'Ecole d'ingénieurs ETS.
Le domaine se divise en trois parties: au centre, le bâtiment d'administration, les salles de cours, le jardin d'hiver, le restaurant alimenté par les produits du Centre et l'internat de 140 lits; dans la partie inférieure du domaine, de vastes terrasses correspondent aux cinq spécialités de l'horticulture: l'arboriculture ornementale, la culture maraîchère, la floriculture, l'arboriculture fruitière et l'architecture paysagère. La partie supérieure du domaine est réservée aux vergers. 

L'Ecole d'horticulture 

La mission de l'Ecole d'horticulture est de former des jeunes gens et des jeunes filles au niveau professionnel pratique. Les élèves reçoivent un enseignement complet comprenant la floriculture, l'arboriculture, la culture maraîchère et l'architecture des jardins, sous forme de cours théoriques et de travaux pratiques. Le domaine est entièrement [p. 139] cultivé par les élèves qui passent à tour de rôle une semaine dans chaque section.
L'Ecole d'horticulture possède un équipement moderne: de grands blocs vitrés, des serres dont l'aération, l'ombrage, les arrosages sont actionnés automatiquement et où l'on peut labourer avec des tracteurs lourds; un parc de véhicules utilitaires, tracteurs, machines à planter, machines à travailler le sol, permettent d'obtenir une rentabilité élevée.
Le diplôme de l'Ecole d'horticulture est reconnu en Suisse et à l'étranger; aussi compte-t-on à Lullier des élèves de presque tous les cantons suisses et de nombreux pays. 

L'Ecole d'ingénieurs ETS 

L'Ecole d'ingénieurs ETS (Ecole technique supérieure) est destinée à former des ingénieurs ETS en horticulture (production) et des architectes paysagistes ETS (environnement végétal).
En plus des mathématiques, de la biologie, des sciences du sol et des techniques horticoles, les cours de la Section d'architecture paysagère portent essentiellement sur le dessin, l'exécution de maquettes et l'étude de l'environnement végétal. Le travail de diplôme comprend les plans détaillés d'un projet d'aménagement, depuis l'état originel des lieux jusqu'aux plantations définitives, et un texte sur ses aspects techniques et financiers.
La Section d'horticulture forme des ingénieurs versés dans tous les domaines de la science qui peuvent avoir une incidence sur la culture des plantes: chimie, physique, physiologie végétale, sciences du sol, machinisme horticole, parasitologie, phytopharmacie, bioclimatologie, etc.
Le Centre horticole de Lullier, grâce à une heureuse combinaison de cours théoriques et de travail pratique, apporte une contribution importante à la production horticole suisse et ce n'est pas un hasard si les pépinières, les jardins et les parcs sont aussi développés et étendus dans le canton de Genève. 

A. D.
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La sylviculture


Le rôle économique de la forêt 

Pendant longtemps, la forêt a été considérée avant tout comme une source de bois pour le chauffage et la construction. Si, à Genève, cette fonction économique a perdu de son importance au profit des fonctions d'agrément et de protection (voir le volume I de cette Encyclopédie, pages 42 à 46), elle ne doit pas pour autant être négligée, ne serait-ce que par le fait qu'une coupe de bois exécutée selon les règles de la sylviculture suisse améliore la qualité et assure la régénération de la forêt. Un prélèvement de bois contrôlé ne doit pas dépasser la quantité produite par la croissance annuelle des arbres et ne diminue donc pas la masse ligneuse totale du peuplement.
Pendant les années de guerre, la forêt genevoise a produit 18.000 mètres cubes par an, contribuant ainsi à couvrir une part non négligeable des besoins en énergie et en matériaux; mais l'avenir s'en est trouvé compromis. Compte tenu des conditions de sol et de climat, qui sont favorables, les coupes devraient produire annuellement 10.000 mètres cubes de bois répartis en différentes catégories: bois de feu, bois de trituration (par exemple pour la fabrication de panneaux en aggloméré), bois de papier, grumes (tronc ébranché, ébouté, parfois écorcé) feuillues et résineuses. Toutefois, étant donné les faibles volumes de bois sur pied il est nécessaire, pour l'instant, de laisser s'accumuler du bois et de ne pas exploiter la totalité du volume possible. Il faut remarquer que le produit des ventes couvre à peine le coût des opérations de coupe, si bien que depuis une vingtaine d'années les volumes exploités ne dépassent pas un millier de mètres cubes par an.
Le bois est un matériau propre, qui pousse naturellement et se renouvelle chaque année. Aussi modestes que soient ses possibilités de production sur le territoire cantonal, il serait faux de les négliger. 

La surveillance des forêts 

Les dispositions légales, tant fédérales que cantonales, suffisent à assurer une protection efficace de la forêt. Encore faut-il qu'elles soient appliquées en temps voulu. C'est là une des fonctions principales du service cantonal des forêts. Il décèle les tentatives d'empiètement, les arrête et au besoin exige la remise en état des lieux. Très souvent, ces atteintes sont difficilement perceptibles à leurs débuts: le fil de fer anodin, la ruche discrète, le modeste tas de planches, peuvent [p. 141] être souvent le point de départ d'une construction beaucoup plus importante, incompatible avec la conservation de la forêt, qui doit être à la disposition de tous. Prévention des incendies, élimination des dépôts d'immondices, respect des restrictions d'accès à certaines surfaces en voie de régénération, lutte contre le vol de jeunes arbres ou de bois exploité forment l'essentiel de ces actions de surveillance indispensables au maintien d'une forêt vivante, accessible et plaisante d'aspect.

La régénération de la forêt

Pour assurer la pérennité de la forêt, il est indispensable de veiller de façon continue à sa régénération. L'idéal est d'obtenir ce rajeunissement de la forêt directement par le semis des graines tombant des arbres. Ce n'est malheureusement pas souvent possible par suite du manque de graines, de leur faible taux de germination ou du manque de lumière. Il faut alors recourir à la plantation, en faisant appel à de jeunes arbres âgés de deux à quatre ans et provenant de pépinières forestières.
De 1950 à 1980, il a été planté dans cette intention 800.000 jeunes arbres, dont un tiers d'essences feuillues et deux tiers d'essences résineuses. Une fois en place, ces plants nécessitent de nombreux soins: fauchage de l'herbe, coupe des rejets et des buissons qui les étouffent, élimination des sujets tarés, éclaircie. Ces opérations, annuelles pendant les trois premières années, s'espacent ensuite au fur et à mesure du développement des arbres plantés, mais doivent être répétées tous les cinq ans au stade du gaulis et du perchis, tous les dix ans au stade de la futaie. Dans certains cas, pendant leurs premières années, il faut aussi protéger les arbres contre les dommages que peuvent leur faire subir les chevreuils ou d'autres animaux sauvages. 

Chemins forestiers 

Pour permettre une exploitation et un entretien normal des forêts, des travaux de dévestiture sont nécessaires. On distingue les chemins carrossables des chemins de terre battue réservés au passage occasionnel d'engins spéciaux. Dans un cas comme dans l'autre, le trafic doit se limiter aux véhicules de service. Seuls des portails peuvent faire respecter efficacement cette interdiction et réserver ainsi la pénétration dans les bois aux seuls piétons et, sur les cheminements autorisés, aux cavaliers.

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Remaniements parcellaires

Le morcellement extrême de nos forêts étant une des causes essentielles de leur décrépitude, plusieurs remaniements parcellaires ont été entrepris, qui permirent d'augmenter la surface des parcelles et d'en corriger la forme de façon à en faciliter l'exploitation. Ils permirent du même coup la constitution d'unités importantes, propriétés de l'Etat de Genève. 

Main-d'oeuvre 

Tous ces travaux exigent des efforts importants. Les effectifs du personnel travaillant sur le terrain sont actuellement insuffisants pour y faire face. Pour cette raison et aussi pour répondre à une forte demande des jeunes, le service des forêts forme depuis 1973 des apprentis forestiers-bûcherons qui viendront bientôt grossir, souhaitons-le, les rangs des travailleurs nécessaires à l'entretien et à l'amélioration du patrimoine boisé. 

La forêt genevoise, un capital précieux

Malgré quelques lacunes, le capital forestier genevois n'est pas dédaignable. Il occupe une part importante du territoire (11 pour cent de la surface, lac non compris) et rend de multiples services à la collectivité genevoise. Il mérite d'être conservé précieusement, soigné et amélioré avec attention, patience et ténacité. 

E. M.
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Les organisations agricoles


Naissance du mouvement coopératif agricole genevois 

Le premier organisme créé par les agriculteurs pour défendre leurs intérêts professionnels est le Cercle des agriculteurs, fondé en 1868.
A cette époque, deux institutions importantes s'intéressaient déjà depuis de nombreuses années au développement de l'agriculture genevoise. Elles répondaient à la définition de sociétés savantes, plutôt qu'à celle d'organismes professionnels ou coopératifs, comme les associations créées au XIXe et au XXe siècle, mais elles ont pris des initiatives dans des domaines concrets touchant à l'amélioration des méthodes de culture et du rendement des terres.
La plus ancienne est la Classe d'agriculture de la Société des Arts, fondée le 2 mai 1776 sous le nom de Comité d'agriculture de la Société pour l'avancement des arts. Elle groupe surtout des membres des familles patriciennes qu'intéressent les applications de la science à l'agriculture et lance des concours dans la population en vue d'encourager les innovations propres à augmenter la rentabilité des domaines.
Trois quarts de siècle après la fondation de la Société des Arts, ce ne sont plus les tenants des sciences humaines qui s'intéressent à l'agriculture, mais les hommes politiques. En effet, James Fazy souhaite réagir contre les milieux conservateurs qui dirigent les institutions d'utilité publique du canton et renforcer le contrôle de l'Etat en transformant les sociétés existantes, particulièrement la Société des Arts, en un Institut national genevois des sciences, de la littérature, des arts, de l'industrie et de l'agriculture. Sous la pression de l'opinion publique genevoise, il doit renoncer à ce projet d'intégration.
Dès lors, la Classe d'agriculture poursuit son oeuvre, mais en parallèle avec la Section de l'industrie et de l'agriculture de l'Institut national genevois, créée par une loi votée par le Grand Conseil le 28 avril 1852.
Au début du XXe siècle, le mouvement coopératif genevois prend son essor; de nombreuses sociétés coopératives sont créées. Elles s'intéressent à toutes les branches de l'agriculture comme la production, la transformation, la conservation et la vente des produits agricoles ou l'achat des machines et des matières nécessaires aux cultures. Certaines d'entre elles se groupent en une fédération dès lors qu'elles exercent une activité agricole analogue. Toutefois, certains agriculteurs préfèrent unir leurs efforts dans le cadre plus souple d'une association.

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La Classe d'agriculture de la Société des Arts

Ce n'est qu'à partir de 1820 que la Classe d'agriculture marque de son empreinte l'histoire de l'agriculture genevoise; jusqu'alors, son activité, de caractère avant tout scientifique, n'avait guère eu d'échos dans la population paysanne. Toutefois, dès sa création et pendant tout le XIXe siècle, elle travaille au développement scientifique et technique de l'agriculture, en particulier grâce à ses contacts avec les agronomes d'autres pays; elle multiplie les propositions de cultures nouvelles comme le colza et la betterave sucrière; elle s'attaque au morcellement des propriétés, qui limite l'emploi des machines, préconise l'usage des fourrages et des engrais chimiques. Elle s'efforce de développer l'industrie laitière et introduit de nouvelles méthodes d'élevage.
Pour mener à bien sa mission, la Classe d'agriculture alloue des primes en faveur de la culture des plantes: culture de la vigne, plantation de mûriers; elle achète, loue et vend des instruments agricoles et organise des concours pour favoriser la sélection du bétail. Elle achète également des reproducteurs: taureaux, étalons et verrats. Certains de ses membres se rendent même en Espagne pour acquérir des moutons mérinos et en Angleterre pour y commander des porcs blancs.
La Classe d'agriculture projette de participer au développement de l'enseignement agricole en encourageant l'étude des sciences qui ont un rapport avec l'agriculture, comme la chimie, la botanique et la géologie agricoles, ainsi que celle des diverses branches de l'agriculture et de la médecine vétérinaire. De plus, elle entreprend des études sur les moyens de lutter contre les calamités: maladies des animaux domestiques et des cultures, grêle et autres accidents climatiques. Des mesures concrètes sont proposées aux agriculteurs, notamment pour lutter contre la fièvre aphteuse ou le phylloxéra. Dès 1871, la Classe d'agriculture en a signalé le danger et c'est elle qui, par ses démarches, a fini par obtenir l'autorisation d'importer des plants américains pour reconstituer le vignoble. Elle se préoccupe aussi de l'assurance contre la grêle et de celles des animaux et des cultures.
L'amélioration des transports par la construction des voies ferrées provoque l'inquiétude des membres de la Classe d'agriculture. L'apparition sur le marché genevois de produits étrangers, particulièrement des céréales, à des prix inférieurs à ceux des produits indigènes et la terrible concurrence qui en découle causent aux paysans des [p. 146] difficultés financières que seule la Confédération est en mesure de résoudre.
En cette fin du XIXe siècle, la Classe d'agriculture doit constater que son influence sur le monde agricole diminue. Ses membres commencent à se désintéresser de leurs activités. L'agriculture est en crise dans toute l'Europe et le canton de Genève n'est pas épargné. De plus, d'autres organisations agricoles voient le jour, qui peu à peu se révèlent plus efficaces.
Autour des années 1950-1960, la Classe d'agriculture a même cessé toute activité. Ce n'est qu'en 1978 qu'elle trouve son second souffle. En effet, elle décide de ne plus se préoccuper uniquement de questions agricoles, mais d'étendre son action à l'étude du développement de l'homme en relation avec les lois de la nature, ce qui l'amène à transformer sa dénomination en "Classe de l'agriculture et de l'art de vivre".

La Section d'industrie et d'agriculture de l'Institut national genevois

La Section d'industrie et d'agriculture, réunie pour la première fois le 1er février 1853, a pour but statutaire le développement de l'industrie. Elle adopte cependant un programme très semblable à celui de la Classe d'agriculture de la Société des Arts: conséquences de la construction des chemins de fer sur les prix agricoles, lutte contre la fièvre aphteuse et le phylloxéra et développement de l'enseignement agricole.
Elle s'intéresse, en outre, à des problèmes qui touchent plus particulièrement l'économie agricole: elle étudie l'élaboration d'un système de drainage pour tout le Canton, en testant plusieurs sortes de drains envoyés par diverses fabriques, ainsi que la possibilité de construire des habitations saines à bon marché pour les ouvriers agricoles. Elle participe au congrès de Bruxelles sur les tarifs douaniers et à l'étude du renouvellement des traités de commerce avec divers pays dont l'Italie.
La Section organise surtout des expositions de fruits, de fleurs, de légumes et d'autres produits agricoles. A la demande du Conseil d'Etat, elle met sur pied, au Palais électoral, la première exposition d'objets et de plantes d'Extrême-Orient.
Les apports les plus originaux de la Section touchent à la protection d'oiseaux utiles à l'agriculture, aux nouvelles plantes potagères exotiques, aux engrais et à la viticulture. [p. 147]
La fin du XIXe siècle est marquée par quelques initiatives nouvelles: distribution de graines gratuites à ses membres pour propager la culture de plantes "bonnes et utiles", ouverture de concours pour la rédaction de manuels sur l'agriculture, sur la culture de l'osier et sur la conservation des fourrages en silo. De plus, en accord avec la Classe d'agriculture et le Cercle des agriculteurs, elle entreprend une démarche auprès de l'Etat pour qu'il augmente la subvention accordée à la reconstitution du vignoble, démarche qui est couronnée de succès.
Dès le début du XXe siècle, la Section participe financièrement, parfois avec la Classe d'agriculture et le Cercle des agriculteurs, à l'organisation de manifestations agricoles telles que concours et expositions. Puis, tout au long de la Première Guerre mondiale, elle contribue à intensifier la production agricole et maraîchère en allouant des subsides à divers groupements.
Aujourd'hui, l'agriculture n'est plus au centre de ses préoccupations. Elle a élargi son champ d'activité et s'est transformée en Section de l'industrie, du commerce et de l'agriculture. 

Le Cercle des agriculteurs 

Le Cercle des agriculteurs est créé le 1er juillet 1868 par les agriculteurs eux-mêmes, en vue de former des liens solides entre eux et de défendre leurs intérêts en contribuant au progrès de l'agriculture. Il est membre aujourd'hui de l'UCAR (Union des coopératives agricoles de la Suisse romande). L'originalité de cette organisation tient au fait que ses membres ne sont pas seulement des agriculteurs genevois, mais également des paysans du canton de Vaud, du Pays de Gex et de la Savoie, et que sa structure juridique va évoluer, au cours des années, afin de couvrir, dans la mesure du possible, la réalité agricole.
Le Cercle dispose d'un local où ses membres peuvent consulter les journaux agricoles pour suivre les fluctuations des prix des denrées. Ce local sert aussi de lieu de réunions où les membres du Cercle apprennent à se connaître et concluent des transactions à la faveur d'un repas. De plus, une bourse agricole est créée, qui permet de centraliser les affaires entre agriculteurs et à laquelle les commerçants et les consommateurs ont également accès.
Le Cercle se préoccupe aussi de l'amélioration de l'agriculture: il organise des expositions et participe à des [p. 148] concours; il introduit à Genève l'assurance contre la grêle, des assurances contre les maladies du bétail, des assurances en faveur des ouvriers victimes d'accidents du travail; il achète, avec le concours de l'Etat, des taureaux reproducteurs des races grise, Simmenthal et Durham. Il procède également à des études dans les domaines suivants: ouverture éventuelle d'une banque pour les agriculteurs, défense du vin genevois, qu'il s'agisse de son écoulement ou de sa garantie d'authenticité, application des principes de la culture intensive.
A la fin du XIXe siècle, l'Etat décide de favoriser la création de syndicats agricoles, ce qui met en péril l'existence même du Cercle. Obligé de modifier sa structure, il se transforme en association coopérative, laquelle groupe non seulement des agriculteurs isolés, mais aussi des sociétés agricoles poursuivant un but analogue, dans tous les secteurs. Il intervient comme une société commerciale, achète toutes les marchandises utilisées par l'agriculteur comme les engrais, les semences, les fourrages, et même les outils et machines agricoles, et les revend à ses membres. Il contribue à la création de nouvelles organisations agricoles et crée lui-même d'autres sociétés afin d'aider les milieux ruraux.
Cette nouvelle structure entraîne la mise en place d'un Secrétariat agricole, organe de liaison entre les sociétés membres du Cercle qui leur permet d'unir leurs efforts en vue d'aider, de manière plus directe, les cultivateurs, les éleveurs, les viticulteurs et les producteurs, et de créer des liens plus étroits avec leurs adhérents. La création de ce Secrétariat, en 1902, est un premier pas vers le regroupement de toutes les sociétés agricoles du canton de Genève et de ses environs.
Contrairement à la Classe d'agriculture et à la Section d'industrie et d'agriculture qui voient, dès le début du XXe siècle, leur influence diminuer peu à peu au sein du monde agricole, le Cercle des agriculteurs ne cesse de développer ses activités commerciales et se trouve contraint de modifier de nouveau sa structure: il devient, en 1913, une Fédération des syndicats agricoles du canton et des régions avoisinantes, pivot des activités de tous les agriculteurs groupés en syndicats professionnels. Il cesse donc de s'occuper des agriculteurs isolés. Il se concentre alors sur l'achat et la vente des articles nécessaires à l'exploitation agricole, le perfectionnement des techniques agricoles et le développement des connaissances professionnelles, ainsi que celui de l'esprit coopératif. Aujourd'hui, ses objectifs n'ont pas changé. Il demeure, pour ses vingt-cinq syndicats membres, qui représentent près de six cents adhérents, une coopérative d'approvisionnement dont l'importance ne peut être contestée.

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La Chambre genevoise d'agriculture 

Le 30 mars 1921, à l'initiative du Cercle des agriculteurs, est née la Chambre genevoise d'agriculture, membre de l'Union suisse des paysans. A cette époque, l'économie est loin d'être florissante, elle subit les contrecoups de la Première Guerre mondiale. Les agriculteurs genevois se heurtent à la concurrence des zones franches, aggravée par la cherté du franc suisse. De plus, le statut de ces zones est cause d'une tension dans les relations franco-genevoises. C'est pour faire face à cette situation que l'on décide la création d'un organisme coiffant toutes les autres sociétés agricoles, véritable association de défense professionnelle ayant pour but la représentation et la sauvegarde des intérêts généraux de l'agriculture genevoise. Dès 1963, elle intervient en faveur des agriculteurs et des sociétés agricoles.
La Chambre n'exerce pas d'activité proprement politique, mais elle intervient sur le plan politique lorsque le succès de sa mission en dépend. Elle représente l'agriculture genevoise vis-à-vis des autorités fédérales et cantonales et du public en général. Le Conseil d'Etat la consulte avant de prendre des décisions importantes en matière agricole; de son côté, la députation agricole au Grand Conseil se réunit à la Chambre pour définir une politique agricole commune.
Quant aux services qu'elle offre à ses membres — une vingtaine de sociétés agricoles et environ quatre cent cinquante membres actifs —, ils sont extrêmement variés: consultations juridiques gratuites en matière de bail à ferme, de successions, d'impôts; démarches pour l'obtention d'autorisations de travail pour saisonniers, etc. De plus, elle assure l'administration et la gestion de plusieurs autres organisations agricoles et rédige, pour le journal La Terre romande, les articles et les comptes rendus intéressant l'actualité agricole genevoise.
La situation de l'agriculture genevoise s'est renforcée au fil des années, grâce en particulier aux efforts de la Chambre, qui joue un rôle important dans les décisions qui se prennent en matière agricole, tant à l'échelon régional que cantonal. 

L'Association genevoise des Centres d'études techniques agricoles 

Sous les auspices de la Chambre genevoise d'agriculture, l'AGCETA est constituée le 30 janvier 1959. Elle est membre de l'ASCA (Association suisse des Conseils agricoles) et a [p. 150] pour but de coordonner les efforts des Centres d'études techniques agricoles (CETA), de leur procurer les services de conseillers d'exploitation et de promouvoir la formation professionnelle de leurs adhérents.
Les CETA ont pour mission d'enrichir, par un travail d'équipe, avec la collaboration de conseillers d'exploitation, les connaissances techniques et économiques de leurs membres pour leur permettre de tirer le meilleur parti de leurs exploitations agricoles. Actuellement, il existe seize groupes CETA répartis dans la campagne genevoise, qui sont membres de l'association faîtière et qui représentent environ trois cents exploitations adhérentes.
Si l'on fait abstraction de l'Ecole d'horticulture, fondée en 1887, la création de l'AGCETA marque le début de la formation agricole à Genève. En effet, dès 1960, cette association est reconnue par la division fédérale de l'agriculture comme service de la vulgarisation agricole du canton en vertu de la législation fédérale en matière de formation professionnelle. Par ailleurs, l'AGCETA exerce des activités multiples dont les plus importantes sont: la délégation d'un conseil de groupe qui participe aux séances des CETA, base de son action dans le domaine de la vulgarisation, la mise sur pied de groupes de travail au gré des besoins, la participation à l'enseignement agricole par des cours donnés aux apprentis et aux élèves de l'Ecole d'ingénieurs ETS, et des expertises en tous genres, notamment dans le cadre du règlement des successions des agriculteurs. De plus, elle donne des conseils individuels à ses adhérents dans le domaine de la gestion d'entreprise et de la comptabilité afin de leur permettre d'établir un constat économique et technique de la marche de leur exploitation et de suivre l'évolution de cette dernière d'exercice en exercice.
Toujours à des fins de vulgarisation, elle procède à des essais et à des démonstrations dans le secteur de la production végétale et parfois animale. Elle peut ainsi introduire de nouvelles techniques favorables au développement de l'agriculture et des exploitations agricoles, grâce à ses contacts avec les stations fédérales de recherches agronomiques qui lui fournissent les informations et données scientifiques et techniques nécessaires.
Dans le domaine particulier de la viticulture, l'AGCETA s'est assuré la collaboration du Laboratoire de techniques agricoles et horticoles chargé de la vulgarisation technique viticole.
Plus de vingt ans après sa fondation, l'AGCETA continue à oeuvrer pour améliorer les récoltes, sauvegarder la qualité des produits et protéger la santé des consommateurs.

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La vigne et le vin

C'est dans le domaine de la viticulture que le besoin d'organisations de défense professionnelle a été le plus vivement ressenti. En effet, au XIXe siècle déjà, des associations de propriétaires de vignes sont fondées, sous les auspices de la Classe d'agriculture, en vue d'améliorer la culture de la vigne, tandis qu'à la fin du siècle et au début du XXe siècle le but principal de ces organismes est l'écoulement et l'amélioration des vins genevois. C'est ainsi que la concurrence des producteurs vinicoles des autres cantons de Suisse romande et celle des viticulteurs étrangers, ainsi que l'absence de contrôle de la qualité des vins ont amené le Cercle des agriculteurs à fonder en 1894 l'Association vinicole genevoise et, en 1900, l'Association des viticulteurs genevois. Ces deux associations fusionnent et la nouvelle société prend le nom, en 1925, de Fédération des viticulteurs genevois, membre de la Fédération romande des vignerons.
Celle-ci regroupe toutes les organisations vinicoles et viticoles du canton et assume la défense générale des intérêts du vignoble genevois. Elle représente, dès lors, tant à l'échelon régional que national, les viticulteurs genevois, membres ou non d'une cave coopérative. De plus, elle organise et contrôle le service de propagande en faveur des vins genevois, qui est chargé de les faire connaître à l'intérieur et à l'extérieur des frontières cantonales.
Si la Fédération des viticulteurs défend les intérêts de la viticulture sur un plan général, les caves coopératives sont plus particulièrement chargées de sauvegarder les intérêts professionnels et économiques de leurs adhérents, de mettre en valeur leur production et d'améliorer l'encépagement ainsi que les méthodes de vinification, donc la qualité des vins.
Ces caves coopératives sont au nombre de trois: la Société vinicole de La Souche (région de La Pallanterie), fondée en 1929, la Cave du Mandement de Satigny, fondée en 1933, et la Cave coopérative de Lully et environs, fondée en 1953.
Aujourd'hui, ces trois entreprises sont membres de la Fédération des caves genevoises Vin-Union, fondée en 1948 par la Société vinicole de La Souche et la Cave du Mandement afin de commercialiser l'ensemble de leur production, activité qu'elle continue d'exercer à des conditions aussi favorables que possible pour ses membres. De plus, elle est chargée de contribuer à l'amélioration de la viticulture et de l'oenologie.
La presque totalité des viticulteurs qui ne sont pas affiliés à l'une de ces trois caves font partie de l'Association genevoise des vignerons-encaveurs, qui a pour but de sauvegarder les [p. 152] intérêts de ses membres, de participer activement à la formation professionnelle de ces derniers et à la promotion de la qualité des vins genevois.
Les membres de cette association se distinguent des autres viticulteurs du canton par le fait qu'ils ont accroché à leur cave l'enseigne, créée et proposée par l'Association suisse des vignerons-encaveurs, aux couleurs de Genève, qui représente une porte de cave et une main offrant une bouteille de vin.
Depuis quelques années, les viticulteurs indépendants de Dardagny disposent d'un caveau pour présenter leurs vins au public. Ceux de Peissy ont eux aussi ouvert un caveau, en collaboration avec la Cave du Mandement, au printemps de 1983. 

Cabus, batavia et autres légumes 

Pendant la Deuxième Guerre mondiale se crée sous l'égide de l'Union suisse du légume, l'Office fiduciaire des légumes de Genève qui regroupe les représentants des producteurs, des commerçants et des consommateurs, et fixe les prix indicatifs des produits à écouler sur le marché; depuis le 19 avril 1949, l'Union maraîchère de Genève commercialise la production légumière sur les marchés suisses.
Enfin, l'Association genevoise des producteurs et usagers du marché de gros a été fondée pour soutenir ses membres dans leurs transactions sur le marché de gros de La Praille. 

Les femmes à la campagne 

Les femmes paysannes ont éprouvé, comme les agriculteurs, le besoin de nouer des relations étroites entre elles. Elles créent, en 1943, l'Union des paysannes du canton de Genève en vue de sauvegarder leurs intérêts sur le plan social et économique, de renforcer l'esprit de solidarité et d'entraide et de favoriser la collaboration entre la ville et la campagne.
De plus, l'Union organise des distractions — journées récréatives et concours de jardins fleuris — achète des appareils ménagers en commun et constitue un fonds pour venir en aide aux membres dans le besoin. Elle participe à l'organisation d'un apprentissage ménager rural.

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L'argent du village reste au village 

En matière financière, les agriculteurs ont décidé de créer des caisses de crédit mutuel selon le système Raiffeisen.
La Caisse Raiffeisen est une société coopérative qui a pour mission de traiter des opérations d'épargne et de crédit, ainsi que toutes affaires connexes, en vue de promouvoir par l'entraide le bien-être économique et social de la population et de servir la communauté. A cet effet, les principes suivants doivent être observés: le cercle d'activité doit être restreint au territoire d'une commune; les membres répondent solidairement et de façon illimitée de l'ensemble des engagements de la société; à l'exception du caissier qui est rétribué, les autres fonctions sont bénévoles; aucun dividende n'est versé; seuls les sociétaires peuvent obtenir des prêts ou des crédits, et l'affiliation à l'Union suisse des Caisses Raiffeisen est obligatoire par la souscription de parts sociales.
Le système repose donc sur ce principe essentiel: "L'argent du village reste au village": les bénéfices ne sont jamais distribués, ce qui permet de renforcer le capital et d'assurer la sécurité des dépôts tout en atténuant la responsabilité personnelle des coopérateurs.
Dans le canton de Genève, les trente-cinq caisses fondées selon le système précité font partie de la Fédération genevoise des Caisses de crédit mutuel, fondée en 1927 pour cultiver l'esprit coopératif et d'amitié, échanger des expériences et chercher en commun des solutions à toutes sortes de problèmes.

En conclusion, les organisations agricoles genevoises ont amélioré les conditions d'existence de leurs adhérents, aussi bien socialement qu'économiquement, et contribué à la qualité de leur production. Elles ont permis à l'agriculture genevoise de passer du niveau local au niveau européen et d'acquérir la réputation d'une agriculture de pointe. 

F. H.
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